Décryptage

La WWE et sa peur permanente du flop

The Rock, Batista, New Age Outlaws. Voici les coupables. Les vieux qui volent le fameux « spotlight » aux catcheurs à temps plein de la WWE. À trop craindre de lancer ses potentielles stars, la WWE ne cesse de faire marche arrière en rappelant des anciennes gloires qui sont des valeurs sûres pour le business. La WWE est atteinte d’une maladie étrange qui la pousse à ne rien finir pour finalement s’accrocher à une vieille barque pourrie en pleine mer glacée de l’Arctique pour ne pas trop paraître guignolesque. 

WWE

Que retenez-vous de ces quatre dernières années de la WWE ? Des émergences, des tas de tentatives plus ou moins réussies de montées en puissance. CM Punk, Daniel Bryan et probablement Roman Reigns s’installent dans une jolie sphère quand les tentatives Ryback et Wade Barrett ont échoué. Si pour Ryback cela est en grande partie de sa faute, le reste des gentlemen présents ont été victimes d’un booking très frileux de la part de la WWE.

Revenons en 2010 avec Wade Barrett. The Nexus. On était tous scotchés lors du Viewver’s Choice face à un segment d’une telle ampleur. Et pourtant, la WWE n’a jamais transformé l’essai. Une défaite à Summerslam lors du 7 vs 7, une blessure et une exclusion qui réduisent le clan à cinq membres, c’est déjà pas mal. Mais l’échec face à Orton aux Survivor Series puis la storyline totalement abracadabrantesque face à John Cena finissant par une défaite à TLC de Wade Barrett qui venait de réembaucher Cena. C’était horrible. Affreux. Une erreur de stratégie monstrueuse.

Le manque de titres et de victoires marquantes de The Nexus ont enterré ce clan qui est maintenant réduit à l’assaut du 7 juin 2010, qui sera finalement sans véritable lendemain. Alors oui cela a permis de faire vivre Raw pendant six mois avec quelques retournements sympathiques, mais globalement, le goût en bouche reste très amer quand on repense où chaque membre a fini et notamment son leader, Wade Barrett. Trois titres intercontinentaux aux règnes plus fades à chaque prise de titre et un gimmick d’annonceur de mauvaises nouvelles totalement incompréhensible. Sans cesse repackagé, Wade Barrett est passé du castagneur bon marché à un présentateur météo qui t’annonce tout le temps de la pluie. Il y a de quoi être déçu.

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Bad News (for) Barrett.

Mais si seulement cela ne marchait uniquement pour ceux qui se retrouvent en bas de tableau. Parce que même s’ils sont adulés par les foules, CM Punk et Daniel Bryan subissent la même chose. CM Punk particulièrement. C’est assez contradictoire, mais dans sa gloire, CM Punk connut deux années fabuleuses paradoxalement entachées par le déroulement de ses rivalités.

Summer of Punk 2011. Punk sort champion de Money in the Bank 2011 puis revient (trop ?) tôt pour une bataille au sommet contre John Cena à Summerslam. Sa popularité est maximale mais il se prend un cash-in après une défense victorieuse face à John Cena dans un match pour un WWE Undisputed Championship qui semblait bien plus important que la dernière unification des titres de TLC 2013. Suit une rivalité contre Triple H et les symboles de l’autorité qui s’enlise et qui voit une nouvelle fois la WWE piétiner en ne donnant pas à Punk LA victoire pour le faire sortir plus grand de la rivalité.

La WWE recule, recadre Punk qui rentre gentiment dans le rang pour prendre le titre à Alberto Del Rio lors des Survivor Series. Commence alors un règne de 434 jours. Un exploit pour l’ère actuelle. Et pourtant, on peut de nouveau critiquer la WWE sur le déroulement de celui-ci. Jamais en main-event sauf si Cena l’accompagne ou est absent. Le Chicago Kid vit un règne assez fade malgré de bons matchs face à Jericho et Bryan. D’autant plus qu’il opère un heel turn prometteur mais finalement quelconque puisqu’il rentre à nouveau dans le rang du heel fourbe classique. C’est toujours CM Punk avec sa verve naturelle et son charisme hors du commun, mais les rivalités se succèdent et ne marquent pas tant que ça les esprits. Seule la statistique et sa conclusion restent. 434 jours et une défaite face à The Rock qui ira à Wrestlemania en main-event avec le titre.

The Rock WWE Champion

Daniel Bryan connaît un peu le même problème que CM Punk. Un début extrêmement prometteur, une victoire à Summerslam suivit d’un cash-in de Randy Orton. Là, on se dit que ce n’est pas trop grave et que le tout mènera à mieux mais la rivalité face à Orton et The Autority s’embourbe dans les fins douteuses et les retournements maladroits. On reste optimiste, on attend le Rumble qui est finalement gagné par… Batista, revenu une semaine auparavant. Encore une fois la WWE montre un grand signe de fébrilité au moment de marquer l’essai, au moment de satisfaire la populasse en lui donnant un champion dont elle ne veut pas. Une star et pas un catcheur.

Si dans le cas de Wade Barrett, la WWE a préféré conservé une stabilité en gardant John Cena au top. Elle est aujourd’hui obligée de trouver des subterfuges car son héros, s’il est encore aimé d’une grande partie du public, subit depuis 2011 de plus en plus les réactions mitigées de la foule. Vint alors The Rock, adulé et qui comme promis un an auparavant affronte Cena à Wrestlemania en main-event. Puis il revient, prendre le titre à CM Punk pour le donner dans un match terne lors de Wrestlemania XXIX. Et comme on voit que The Rock n’est plus disponible, prenons l’autre embryon de star d’Hollywood que l’on a sous la main. Batista, après un échec pour rentrer en MMA, revient après quelques films de série B dont Riddick et qui va assurément promouvoir Guardians of the Galaxy, le prochain Marvel où il apparaît.

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La WWE ne finit rien, et c’est ce qui frustre beaucoup depuis quatre années. Chacune des rivalités de grande envergure, qui sort du quotidien, se finit en queue de poisson. Jamais programmée, la fin des rivalités n’arrivent pas et elles s’étirent jusqu’à l’essoufflement, sans véritable duel au sommet, sans grand moment final qui conclut tout où l’honneur, la gloire et la célébrité est promise au vainqueur. Jamais en quatre ans nous n’avons eu de fin à une rivalité majeure, excepté John Cena vs The Rock dont le double affrontement a été une grosse rivalité à défaut d’avoir abouti à de grands matchs.

En dehors de cela. Nexus ? Éparpillé façon puzzle avant Wrestlemania XXVII. Le Summer of Punk porte bien son nom puisqu’il n’a pas résisté à l’automne et pour le règne de 434 jours, si le match face à Jericho était bon, il était inclus dans une rivalité intense et personnelle mais pas franchement révolutionnaire. Reste Daniel Bryan qui pourrait avoir une victoire retentissante face à The Autority alors que la rivalité s’est dissipé il y a quelques mois. Toutefois, on garde l’éternelle insatisfaction de voir que la WWE fait cela au dernier moment, comme si elle se réveillait et ne voyait l’engouement autour de Bryan uniquement maintenant.

La peur de faire un flop en fait. De donner un moment extrêmement fort à une superstar qui va se casser la gueule quelques mois plus tard. Voilà un peu ce qui définit la WWE depuis quatre ans. Et si CM Punk est désormais parti, il n’est pas impossible que ce soit pour ce manque de courage dans les décisions prises par la WWE, dans son éternel retour en arrière, en faisant du retour des vieilles gloires un événement majeur et indispensable alors qu’il devrait être, à l’image de Brock Lesnar, important mais au second plan.

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On fait revenir Batista alors qu’on sait et on voit que le mec ne dure pas cinq minutes dans un ring sans ventiler. The Rock nous faisait déjà ça, mais là c’est encore pire. Quand Brock Lesnar est en excellente forme physique et encore jeune, ce qui donne à son retour une certaine légitimité, les retours de Batista et The Rock apparaissent plutôt comme une crainte de la WWE de ne pas vendre le produit qu’elle vend habituellement. Elle fait semblant que son produit ressemble encore à celui d’il y a cinq à dix ans. Un peu comme quand une série télé fait revenir un personnage censé être mort mais en fait non parce qu’elle n’arrive pas à renouveler son histoire. Montrer Batista vs Randy Orton, c’est remonter en 2005 où elle faisait éclore ces deux superstars avec Evolution. C’est faire comme si CM Punk et Daniel Bryan n’existaient pas. Et c’est pour cela que l’attitude de CM Punk est défendable.

Actuellement, il faut être aveugle pour ne pas voir que la grosse affiche de Wrestlemania devrait opposer les deux générations et ériger la plus récente au statut de dominante. Triple H, John Cena, Randy Orton et Batista, qui ont été les stars majeures de Raw depuis 2005, c’est plus de cinquante titres mondiaux sur dix années. C’est assez. Si John Cena et Randy Orton peuvent encore prétendre à des combats pour les titres majeurs et que Triple H n’a plus combattu pour un titre majeur depuis bientôt quatre ans (Elimination Chamber 2010), Batista est dans une méforme qui devrait l’empêcher de s’approcher du titre. Ce qui fait deux têtes d’affiche en moins, et ces deux places, CM Punk et Daniel Bryan seraient parfaitement capables de les tenir.

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Et comment.

Si dans le cas de CM Punk, l’installation dans le main-event était effective, la WWE tergiverse en ce qui concerne Daniel Bryan, ce qui crée un moment de flottement assez curieux. Il faut pourtant absolument que pour Wrestlemania le #YESMovement finisse la soirée en héros, acclamé par 80000 personnes. Et pour cela la WWE doit prendre le risque (minime) de le faire gagner à Wrestlemania, en Main-Event. Et là elle effacera tout et pourra lancer Daniel Bryan sans crainte dans la cour des très grands, tout en essayant de maintenir des rivalités sensibles avec The Autority, qu’on garde l’aspect anti-héros qui manquait à CM Punk après le Summer of Punk 2011.

La WWE et sa peur permanente du flop
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