Superstars au cinéma

Superstars au cinéma #6 : The Big Show dans Knucklehead

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L’humour au cinéma est quelque chose d’assez ardu, et tomber dans la facilité et le mauvais goût est facile. Alors quand vous ajoutez à cela le Big Show et la lourdeur symptomatique du genre aux Etats-Unis, vous obtenez Knucklehead.

Quoi? Vous voulez dire que je peux pas changer d'avis et devenir le méchant en plein milieu du film?

-Quoi? Vous voulez dire que je peux pas changer d’avis et devenir le méchant en plein milieu du film?

Avant d’évoquer le film, il semble important d’évoquer le choix du catcheur. The Big Show, heureusement pour lui le scénario s’adapte à son physique et son métier car ce n’est pas franchement le gars qui va vous jouer des rôles de composition. Si l’on devait prendre un catcheur pour faire un film, il ne serait probablement pas dans les favoris. De plus, sa popularité à la WWE est assez relative. S’il fait partie des meubles, on ne peut pas dire que le Big Show ait été une tête d’affiche incontestée.

Important certes, impressionnant par sa capacité dans le ring malgré sa carrure, il reste toutefois au second plan derrière des stars plus génériques et n’aura jamais eu le droit à son grand combat comme a pu avoir Andre The Giant à Wrestlemania. Mais ne nous enfermons pas dans des comparaisons anachroniques et gageons que Paul Wright aura eu une carrière longue et assez fructueuse, chargée en passages du bon et du mauvais côté de la Force.

Du coup, en 2010 arrive Knucklehead avec la prétention d’un film Direct-to-DVD — c’est à dire un film qui ne passe pas en salle mais directement dans tous les mauvais commerces. Ici, ce n’est pas exactement le cas avec quelques cinémas qui auront l’honneur de mettre à l’affiche un film de WWE Films. Ici, petit budget assurément, et un casting d’acteurs de seconde zone dont seul Mark Feuerstein, tête d’affiche d’une série de USA Network – Royal Pains, diffusée en France sur NRJ 12, pourrait vous sembler connu. Comme cet acteur dont vous dîtes « Mais si, voyons, il jouait dans machin-là, mais si, ça passait tous les dimanches après-midi entre Walker et la Formule 1! »

-Allez, regarde, je fais trop bien la tête de gars pas gentil

– Allez, regarde, je fais trop bien le méchant regarde comment je le regarde mal lui.
– C’est non on a dit.

Le film commence avec deux orphelins se disputant sur leur possibilité d’adoption alors qu’il joue une pièce de Oz, où notre Big Show national — ici nommé Walter Krank — interprète la gentille sorcière du nord qui descend avec un câble. Top. Voilà, moins de deux minutes et le film tombe dans le comique ridicule, où l’on va rigoler parce que c’est un géant et donc forcément dans des situations quotidiennes, voir un gros mec de deux mètres dix ça fait rigoler.

Changement de ton où on nous explique que Eddie, un manager de MMA, doit 25000$ à Memphis Earl on ne sait pas trop pourquoi. On sait juste que ce dernier est riche et pas Eddie. Tout cela nous mène rapidement à un combat où le poulain d’Eddie se fait défoncer par Redrum – pour ceux qui n’ont pas compris où qui n’ont pas vu Shining, c’est le verlan de murder donc meurtrier. Et ce grand bonhomme noir balaise est joué par le second acteur de catégorie « mais oui, c’est lui qui jouait déjà un black pas fûté dans Ma Famille d’Abord! », Lester Speight.

On retourne à l’orphelinat où Sœur Francesca – celle qui dirige l’orphelinat – fait comprendre à Mary que Walter fait perdre de l’argent et qu’il est là depuis trop longtemps. Et comme Walter est gros, c’est le mieux placer pour rassurer l’autre gros sur sa non-adoption. Et second top. OUI elles sont là et elles viennent d’arriver, c’est la blague pipi-caca. Applaudissez-là tous la blague du gros qui fait des proutes de 130 décibels. Mais en fait non, c’est la sœur qui était dans les toilettes. Allez, rigolez quoi, on vous jure qu’on est drôle.

Allez, fait pas ton juïf et rigole, on me pousse déjà à faire le gentil alors rigole.

– Allez, fait pas ton juif et rigole, on me pousse déjà à faire le gentil alors rigole.

Walter est maladroit et met le feu à la cuisine, ce qui cause la menace d’un agent administratif qui donne dix jours à l’orphelinat pour se mettre aux normes. Coïncidence rigolote, Eddie vient prier et le géant traversant un vitrail de l’Église pousser par la sœur qui ne l’aime pas. Décidément, ce personnage est imbuvable. Non franchement, elle semble tout faire par intérêt pour les enfants de l’orphelinat sauf Walter parce qu’il n’est pas normal. Ils avaient sûrement oublié le sous-titre « sauf celui de plus deux mètres et 200kg » en dessous du « Aime ton prochain ».

Eddie, Walter et Mary prenne la route et le premier tente de faire du second une machine à gagner. Le premier tournoi se déroule dans un temple juif. Entre les clichés sur la communauté juive et les pancartes de fans qui sont des étoiles de David, on rigole bien. Non? Le premier match est un désastre, Walter ne gagnant que parce qu’il est plus lourd. Youpi. On a donc le droit à une amitié progressive en même temps que l’entraînement qui s’installe et en parallèle, les méchants du film qui tentent de barrer la route à nos héros. C’est totalement cliché, sans surprise.

Enfin si, on ajoute à cela des péripéties en plus, un bus qui tombe en rade, Walter qui dégomme un père de famille plutôt que son adversaire. Puis entre deux des blagues éculées qui sont préparées pendant une minute pour convenir à un moment d’intrusion au mauvais moment et d’une blague homosexuelle. On nous sert tout cela pendant une bonne heure. D’ailleurs, le film abandonne aussi l’idée d’inventer un personnage en redonnant le look naturel qu’a le Big Show, qui portait une moumoute jusque là.

-Je peux pas être le méchant et en plus vous me retirez les cheveux, vous êtes vraiment pas cool les gars là.

– Je peux pas être le méchant et en plus vous me retirez les cheveux? Vous êtes vraiment pas cool les gars là.

On signalera aussi le combat face à un ours. Bien avant la saison trois de Game of Thrones, c’est bien Knucklehead qui met en place la lutte entre un homme et l’animal sauvage. Combat qui se termine avec Big Show effectuant sur un ours, la prise de l’ours. On sent toute la fierté du scénariste qui s’est trouvé génial en trouvant cette idée de scène, parce qu’en plus c’est une référence au catch alors ça va parler à ces débiles de rednecks.

Deuxième blague sur le système digestif de Walter avec ici le cliché poussé à son paroxysme, où une diarrhée est traitée comme un attentat terroriste. C’est le genre de scène où l’on se demande pourquoi on donne à ce genre de film l’honneur de continuer. Où vous en venez à vous demander si le réalisateur regarde encore ce qu’il filme et s’il y a encore quelqu’un dans le monde qui trouve ça drôle.

On vous laisse le tournoi final, pour le plaisir de découvrir un dénouement des plus prévisibles. Mais avec la cerise sur cet infect gâteau est que c’est très mal monté, interprété et mis en scène. Les combats ne valent même pas le coup d’œil et le Big Show aurait pu être remplacer par n’importe qui, tellement la seule chose utilisée dans le film est sa taille et son poids. Le seul argument du film reste finalement cette carrure imposante pour justifier les poncifs présentés au spectateur.

L'impossibilité du spectateur d'échapper aux clichés du film, allégorie.

Allégorie de ce qui arrive au spectateur qui tente d’échapper aux clichés du film.

Alors on pourrait se dire que malgré tout cela, on ne pouvait pas dire qu’en lançant le film on ne s’attendait pas à un chef d’œuvre et que par conséquent ce n’est pas une surprise. Mais ce film rappelle la nécessité de faire une distinction importante entre deux types de mauvais films : les navets et les nanars. Le nanar est soit un film fait avec un sérieux si énorme que même s’il les mauvais, les bonnes intentions du réalisateur deviennent drôles – les films d’Ed Wood ou plus récemment The Room de Tommy Wiseau sont des grands cas d’école – soit un film fait avec tellement de second degré et un postulat si absurde que l’on ne peut que le regarder avec une certaine ironie.

Là où le navet est différent, c’est qu’il relève lui d’une flemmardise extrême, reprenant des codes usés et abusés au cinéma, et ne cherchant qu’un speech de base pour le développer. Knucklehead entre clairement dans cette catégorie. C’est en cela qu’il est différent de The Marine ou de Suburban Commando. On ressent toute la paresse scénaristique de manière constante, on se sent poussé vers cette fin lourde et annoncée.

The Marine avait l’avantage d’au moins tenter de créer un film d’action regardable où le jeu d’acteur d’un Robert Patrick cabotinant sauver pas mal les meubles. Ici, rien de ce qui est entreprit ne fonctionne, les combats sont rapides, peu soignés et les blagues éculées depuis bien trop longtemps pour arracher un sourire à qui que ce soit. Le film a des personnages dont on se fout, et seul celui interprété par le Big Show attire un peu de sympathie du fait de son omniprésence à l’écran.

Malheureusement, c’est le genre de film auquel on doit s’attendre quand on lance une comédie américaine pratiquement directement sortie en DVD. Mais il faut souligner que dans le marasme de nullité que sont les films produits par la WWE, Knucklehead est un favori à ce qui serait les Razzie Awards made in WWE. Il y en a d’autres bien entendus, mais le mélange d’un scénario qui tient sur un post-it et de blagues nauséeuses fait que Knucklehead prend un avantage encore plus certain sur ces concurrents directs.

Moi, mes concurrents directs, je les enterre.

Moi, mes concurrents directs, je les enterre.

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