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Décryptage

The New Day, le succès inattendu d’un groupe qui a brisé le plafond de verre

Ils sont le renouveau de la division tag team. Xavier Woods, Big E, Kofi Kingston aka The New Day, devenus en un peu plus d’un an l’une des attractions majeures de la WWE. Et pourtant ce n’était pas joué d’avance.

Au commencement, il y avait un groupe de midcarders bloqués par un plafond de verre. Un gimmick caricatural, très mal vendu pour un groupe qui semblait prendre la voie du bien et du verbe policé. Aujourd’hui, ils sont un des atouts majeurs du roster de la WWE, provoquant autant d’encouragements que de huées, mais ne laissant jamais le public indifférent. Une position qui ne s’est pas acquise en un jour et qui tient du quasi-miracle.

Car le New Day, c’est aujourd’hui un renouvèlement de merchandising toutes les trois semaines, une domination de la division par équipe depuis Extreme Rules 2015, avec une petite parenthèse pendant l’été où ils ont cédé leurs titres au Prime Time Players. Une sorte de miracle tellement l’association part d’un segment secondaire, en juillet 2014, où Xavier Woods promet à Kofi Kingston et Big E que c’était leur tour de briller.

Il faut un peu retracer leur progression fulgurante qui, en une petite année, a fait passer ces trois catcheurs d’un échec programmé à un succès comparable à l’équipe que pouvait former Edge & Christian. La retracer pour comprendre ce qui a changé la donne et voir à quel futur peut s’attendre le New Day.

Un postulat de base casse-gueule

Le New Day apparait officiellement sur nos écrans à la fin novembre 2014, avec une série de vidéos consacrées à la présentation des trois membres de l’équipe qu’ils vont former. La mise en scène est très propre, avec un accent porté sur le côté gospel très cliché. Trois petits segments qui aujourd’hui peuvent se voir sous un tout nouveau jour, surtout dans le cas de Xavier Woods.

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Ce cérémonial, le ton comparable à un sermon d’église, c’était déjà en route depuis cette vidéo et cela se ressent également dans celles de Kofi Kingston et de Big E. On discerne également les styles différents de chacun, là où Kofi Kingston est un peu plus classique, Xavier Woods et Big E embrassent assez bien ce style gospel. La volonté est de haranguer les foules et de ce fait, The New Day commence avec un positionnement face dans l’esprit de la carte.

Du coup, les promos lancées par le New Day sonnent très sérieusement, il n’y a aucun second degré et surtout il n’y a pas vraiment de trompette. Très rapidement, on sent le soufflé retomber et la foule se désintéresser de ces trois catcheurs. Beaucoup se plaignent de voir trois jobbers avoir un mini-push qui ne va mener nulle part et qui surtout n’apporte rien si ce n’est un peu de temps. Big E parle un peu plus mais reste une masse correct dans le ring, Kofi Kingston reste toujours ce midcarder agile et sautillant et on découvre à peine Xavier Woods qui n’a pas, à ce moment, vraiment d’empreinte sur le public.

Tout cela entraîne rapidement un détournement du public de cette équipe, un vide qui va très vite être progressivement comblé par des chants. Le groupe entame en effet une habitude qui va changer leur statut à la WWE, une rythmique à trois temps que le public va reprendre en chant, de manière classique mais efficace : « New Day Sucks ». Une situation à laquelle on ne répond pas tout de suite, ce qui laisse deux possibilités.

Soit la WWE a laissé grossir volontairement pour voir si le chant prenait dans le public, soit elle a pris le temps de se demander s’il fallait faire passer le groupe du côté obscur. En tout cas, tout cela s’est goupillé en mars dernier, jusqu’à ce que l’on demande au groupe ce qu’ils allaient faire de ces chants. Et c’est à ce moment que The New Day va prendre une autre dimension.

Les heels positifs, une formule efficace mais incomplète

Au lieu de se détourner du public, The New Day va partir sur un nouveau leitmotiv : si le public ne veut pas de leur positivité, ils leur donneront quand même. Au départ, tout cela prend une forme assez classique, le clan s’offusque des chants à l’encontre de leur leitmotiv, quand ils sont supposés être en leur faveur. Cette réponse surjouée, toujours dans une orientation supposée heel, va augmenter la heat progressive du groupe.

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Avril marque le début de cette nouvelle politique et coïncide avec leur ascension dans la division tag team. Elle n’est pas très longue car les équipes sont très peu nombreuses à réussir à la WWE, et malgré l’arrivée récente des Lucha Dragons, on reste sur une dynamique à quatre équipes — qui n’a pas beaucoup évolué aujourd’hui — et The New Day n’a donc pas trop de mal à se faufiler jusqu’aux titres alors détenus par Cesaro et Tyson Kidd. À Extreme Rules, The New Day prend les ceintures.

C’est à ce moment que la dynamique du groupe précédemment mise en place prend une autre proportion. Xavier Woods prend officiellement la place de manager et fait une grande partie des promos, Big E prend un statut de dévot de la « power of positivity » avec une attitude au micro très différente du peu qu’il avait pu proposer auparavant. Kofi Kingston est un peu plus en retrait mais suit le mouvement au fil des segments de l’équipe.

Dans les matchs cependant, l’évolution ne se fait pas forcément sentir. Les oppositions sont du même calibre que ce qu’était la division tag team, et certains supercheries sont un peu étranges, comme cette victoire prise à Payback sur une version masculine du « Twin Magic » où Xavier Woods prend la place de Kofi Kingston pour faire le tombé. Heureusement que l’arbitre était raciste, le subterfuge a pris.

Mais le clan n’allait pas s’arrêter là. C’est pendant l’été que le groupe prend un envol plus conséquent. Et ce, malgré une défaite face au Prime Time Players à Money In The Bank dans un match des plus ternes. Le groupe en profite pour prendre la position de chasseur et d’aiguiser un peu son jeu de promos sur la « clap therapy » et la volonté de garder la positivité malgré la défaite. Ils n’ont pas encore beaucoup de temps pour cela, mais SummerSlam allait passer par là.

Trombone, licornes et booty

Car ce pay-per-view note le démarrage de la dimension fantaisiste du groupe. Déjà bien plus populaires, Xavier Woods et ses acolytes offrent à Brooklyn une prestation au trombone et une parodie de Empire State of Mind de Alicia Keys. Le lendemain à RAW, c’est Frank Sinatra qui voit son New York, New York devenir la cible d’un changement de paroles à la faveur des nouveaux tag team champions, les New Day ayant repris leurs titres la veille.

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Commence alors une dynamique que n’a toujours pas lâché le groupe, une dynamique qui leur donne un temps d’antenne bien plus conséquent, des segments de plus grande importance et surtout, ils côtoient de manière plus régulière les sphères du main-event de Raw. Cela passe par le retour d’un duo historique de la division tag team, les Dudley Boyz qui rentrent immédiatement en rivalité contre le New Day.

Ceux-ci répondent à leurs nouveaux concurrents par un slogan : #SaveTheTables. Le New Day a de plus nombreux segments micro et généralement toujours originaux. Xavier Woods profite également pour développer un style capillaire hors du commun, avec ce petit hommage à Rufio dans le film Hook. La recette du succès de New Day tient dans leur habilité à manier la foule et leur caractère très orienté autour de l’humour et du divertissement qui en font des porte-paroles de choix pour la division tag team, au point de ne pas perdre les titres face au Dudley Boyz, alors qu’on aurait pu s’attendre à un dixième titre symbolique pour les frangins de Dudleyville.

Mais c’est vraiment cette proximité nouvelle avec le main-event qui donne cette nouvelle dimension au New Day. Des segments avec Seth Rollins puis avec Sheamus pour afficher leur soutien aux champions heels, le trio maintient des relations amicales avec les hautes sphères du mal à la WWE et s’offre un spotlight régulier, devenant clairement un groupe reconnu de tous pendant RAW.

La WWE ne s’y trompe pas et se permet de mettre le trio un peu partout et de les faire croiser quelques gros noms. Le petit segment avec Edge & Christian vous vient surement en tête avec ce duel entre kazoo et trombone. Toute cette attention apportée au New Day fait que désormais, une grande partie du public adore les détester, un de ces effets qui propulsent une équipe du rang de succès temporaire en équipe stable, capable de faire partie de l’histoire de sa division.

En développant un certain culte autour d’eux même, avec la très étrange promotion du booty par Big E et l’ajout du passage du power of positivity par le biais des licornes, le New Day a réussi à afficher une courbe de progression constante jusqu’à cette fin d’année, finissant avec l’un des meilleurs matchs de la saison 2015 à la WWE, ce ladder match entre le New Day, les Lucha Dragons et les Usos, chacune de ces trois équipes ayant affiché un niveau de forme exceptionnel.

Un futur qui ne s’inscrit pas en individuel

La question qui commence à émerger est celle de la durée du groupe. La WWE a tendance à rapidement séparer ses groupes pour faire monter un catcheur ou deux dans les hautes sphères. The Shield avait un trio de futurs upcarders et main-eventers et la Wyatt Family a connu une séparation inutile car l’on voit bien que Bray Wyatt fonctionne mieux en tant que leader d’une stable plutôt qu’en solo.

Ces tag teams qui ont marqué récemment la division tag team avait une vision sur le long terme qui n’était clairement pas inscrite dans la volonté de promouvoir les titres par équipe. Avec le New Day, on peut très clairement voir que l’horizon se dessine dans une logique tout à fait inverse. Les trois catcheurs ne sont pas vraiment placés en tant que menaces gigantesques pour les plus gros catcheurs mais comme une entité qui fonctionne uniquement car ils sont un groupe.

De plus, pris un par un, les membres de The New Day n’ont jamais vraiment eu la popularité ou la dimension pour atteindre le main-event et cela ne changerait pas vraiment une fois sorti du groupe. Xavier Woods est sorti d’un statut très délicat dans son début de carrière la WWE et s’en sortirait probablement mieux qu’avant, mais pas au point de devenir un élément majeur du roster. Kofi Kingston n’a plus besoin de savoir que le plafond de verre de sa carrière solo est extrêmement solide. Le seul où la question se pose est ce cher Big E, qui n’a jamais vraiment connu de vrai run solo et de rivalité à proprement parler. Mais son rôle de prêcheur du New Day semble beaucoup trop lui plaire pour envisager de quitter le groupe.

Rien ne semble barrer la route pour que 2016 soit aussi fringant pour le New Day que 2015. La WWE n’a absolument aucun intérêt de séparer l’équipe car le main-event est déjà plein de futurs, potentiels main-eventers aux dents longues. The New Day, c’est l’occasion de redonner une base solide sur le long terme à la division tag team de la WWE. Faire en sorte que ce trio devienne un groupe mythique de la division, c’est permettre de donner une autre dimension à la midcard et d’équilibrer un peu le roster de la fédération de Stamford.

Il faut maintenir ce rôle de trouble-fête que peut parfois avoir le New Day quand il s’invite dans les rivalités du main-event tout en les laissant se débrouiller seuls, ne pas les mêler à des groupes de plus grandes importances. Le New Day, c’est une entité unique dans l’univers de la WWE, une bulle de divertissement à protéger.

C’est parfois cela le catch, un groupe voué à l’échec qui saisit une chance pour surprendre tout le monde et faire éclater un potentiel insoupçonné. Le catch, c’est la promotion de l’imprévu et une réussite qui tient autant de la réaction de la foule que de l’acharnement des catcheurs à se transcender. Le New Day a réussi à se faire une place de choix dans les strates de la WWE, le tout est maintenant de conserver cette place qui semble idéale, voire de nous surprendre à nouveau en 2016.

The New Day, le succès inattendu d’un groupe qui a brisé le plafond de verre
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