Décryptage

« The Final Deletion » est la meilleure chose qui soit arrivée à la TNA

the final deletion

Une storyline qui génère de l’intérêt à la TNA et hors de sa fanbase ? C’est assez rare de nous jours, pour ne pas dire inexistant. Et pourtant c’est ce qu’ont réussi à faire Matt et Jeff Hardy avec « The Final Deletion ».

TNA (capture d'écran)

Vous n’avez pas pu en tant que fan de catch passer à côté de ce match/segment/quoi que ce soit. Il y a quelques semaines déjà les frères Hardy faisaient le buzz avec une vidéo pour la signature du contrat du match pour Slammiversary diffusée dans le main-event d’Impact Wrestling. Le genre de segment ultra-kitsch et en même temps hilarant. Probablement parce que cela avait fait parler de la TNA comme jamais auparavant dans le monde du catch et sur les réseaux sociaux, Matt et Jeff Hardy ont remis ça dans le dernier épisode d’Impact Wrestling diffusé ce mardi, et cette fois ont mis les bouchées doubles.

La narration est la même, tout au long de l’épisode d’Impact sont diffusés quelques vignettes montrant la préparation — avec le désormais célèbre jardinier Señor Benjamin — de ce qui sera le clou du spectacle à la fin de l’épisode avec un match se déroulant en extérieur, dans la propriété de Matt Hardy. Et de nouveau le côté kitsch est totalement assumé, voire poussé à l’extrême comme dans le segment dans lequel Matt Hardy apparaît sous la forme d’un hologramme porté par un drone, pendant que Jeff Hardy se bat contre une armée d’autres petits drones à coups de guitare, le tout accompagné d’effets spéciaux digne d’un film de série B.

Le kitsch divertissant et assumé

La raison pour laquelle tout est fait de façon kitsch et sans grands moyens est plus ou moins connue : tout le monde est au courant des difficultés financières importantes au point de risquer de la condamner que traverse la TNA depuis maintenant quelques année. Il faut faire avec les moyens du bord et plutôt mettre l’accent sur l’histoire, celle qui fera le plus réagir le téléspectateur. Quitte à faire dans le kitsch, autant l’assumer à fond et à en jouer, cela divertit assez facilement le public. Certains succomberaient la tentation facile de la provocation pour créer du buzz, quand la TNA et les frères Hardy ont cette fois choisi l’originalité et la comédie absurde produite avec des moyens low-cost. La TNA s’est payée un moment « So bad it’s good », tellement mauvais que c’est bon.

Et ça fonctionne, les réactions sur le réseaux sociaux n’ont pas cessée dans les vingt-quatre heures qui ont suivi la diffusion de l’épisode. On retrouve notamment des personnalités du milieu du catch plus ou moins influentes comme Chris Jericho, Gabe Sapolsky ou Mick Foley.

« #TheFinalDeletion était brillant! @MATTHARDYBRAND & @JEFFHARDYBRAND ont été énormes! #BrokenMatt est le meilleur personnage de l’histoire d’@IMPACTWRESTLING. »

https://twitter.com/BookItGabe/status/750525146230915072

« Qu’avez-vous pensé de #TheFinalDeletion? Ça m’a plu. C’était différent et créatif. Ils ont pris un risque et je respecte. »

« Pas certain de ce que je viens juste de voir, mais je sais que cela va me hanter pour toujours! #FinalDeletion »

Même l’un des producteurs de Lucha Underground, Eric Van Wagenen, a réagi et ne semblait pas fans de la storyline. « La performance c’est quelque chose… Désolé les gars, bien essayé. Voici l’équipe créative d’Impact Wrestling actuellement » accompagné d’un gif du film Boogie Nights avec le personnage Philip Seymour Hoffman qui se dit « je suis un p*tain d’idiot ». Face aux réactions des fans à ce tweet Van Wagenen a supprimé le tweet et a fini par s’excuser.

Mais les réactions afin d’attirer un public plus large pour Impact Wrestling c’est ce que recherchaient la TNA et Matt Hardy en mettant en place cette storyline, comme l’expliquait ce dernier sur sa chaîne Youtube en mai dernier.

« Je vais être honnête, les gens qui vont réagir sur les réseaux sociaux, ce personnage n’est pas fait pour leur plaire. Ce n’est pas fait pour les attirer. C’est fait pour attirer bien plus de fans lambda . C’est ce qu’Impact Wrestling doit faire pour grandir actuellement. Parce que le public que nous avons chaque semaine — entre 300 et 350 000 téléspectateurs à la diffusion et entre 500 et 600 000 avec les replays — nous devons attirer des fans lambda. » explique-t-il. « C’est là où la TNA doit aller si elle veut grandir parce que nous avons perdu les fans lambda après l’ère Spike TV et nous essayons de les récupérer pour les amener sur Pop TV. C’est sur cela que nous travaillons actuellement et mon personnage est là pour attirer les fans lambda, pas les fans smart mark. »

Le personnage a du succès et la formule a fonctionné pour l’épisode de Final Deletion. Ce mardi soir 410 000 téléspectateurs étaient devant Pop TV pour la diffusion de l’épisode. C’est 51 000 téléspectateurs de plus que la dernière meilleure audience depuis que l’émission est diffusée sur cette chaîne et bien au dessus de la moyenne du moins de juin qui était de 291 000 téléspectateurs. À la TNA maintenant de tenir la barre pour ne pas perdre toute l’attention qu’elle a engendré avec cette storyline.

Une rivalité… engagée ?

Sans aucun doute sortie de l’esprit créatif et perché de Matt et Jeff Hardy, cette rivalité est comme un moment charnière de leur carrière. Âgés respectivement de 38 et 41 ans ils ont toujours vécu leur métier ensemble et ceux qui les connaissent bien savent que tout a commencé… dans le jardin familial en Caroline du Nord, là où ils ont grandi. Par ce match qui se déroule au domicile de Matt Hardy il y a le symbole du retour aux sources. L’ utilisation des nombreux objets, des arbres et du terrain rappelle la pratique du backyard wrestling de leur jeunesse.

Si l’histoire peut se prendre au premier degré comme dans un (mauvais) film, elle semble avoir un sens beaucoup plus poussé comme l’explique Brandon Howard dans un article publié sur Voices of Wrestling qui va jusqu’à interpréter la rivalité comme une analogie du monde ultra-documenté et connecté d’aujourd’hui:

Entouré de décorations colorées et enfantines pour la fête du premier anniversaire de son fils, Matt regarde la caméra d’une manière mélodramatique et absurde avant de déclarer « Ces événements doivent être documentés. » Ces événements doivent être enregistrés avec une caméra et transformés en fichier vidéo qui peut être diffusés la télévision ou consultés en ligne sur internet. Cet effacement doit être ajouté à ce gigantesque tas de donnés dans l’espoir de lui donner un certain sens et de la légitimité.

C’est un monde dans lequel tout ce qui est originalement matériel est transformé en données dématérialisées: celui où le lien de parenté des frères Hardy est réduit à une marque, celui dans lequel la WWE affirme posséder « plus de 200 propriétés intellectuelles différentes liées à ses talents », et un monde dans lequel finalement les gens peuvent être réduits à une information qui peut-être possédée et détruite: la propriété intellectuelle qui peut être acheté, vendue, gagnée, perdue et effacée.

Matt et Jeff Hardy engagés contre le monde ultra-connecté d’aujourd’hui ? On imagine très bien la chose. En attentant comme l’expliquait Matt Hardy, même s’il y a des critiques cette histoire a un but précis et il vaudrait mieux attendre la fin avant d’avoir un avis arrêté. « Essayez juste d’apprécier le voyage et laissez moi vous raconter une histoire (…) Je pense que tout aura un sens quand tout sera dit et fait ». On a hâte de connaitre la suite et ce que nous réserve la fin.

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