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Décryptage

Que représente réellement cette « nouvelle ère » de la WWE ?

La WWE nous parle beaucoup en ce moment de nouvelle ère. La séparation des brands, la draft, l’instauration d’un nouveau titre… que représente vraiment cette « New Era » ?

Sasha Banks et Finn Bálor ont tous deux représenté une forme de changement à RAW. — © WWE

Le souffle du changement a longtemps été retardé par la WWE. En se reposant sur un groupe restreint de main-eventers, la WWE avait décidé d’étendre les rivalités sur du long terme et de regrouper les superstars sur un unique show, RAW, qui devenait ainsi le seul à développer l’intérêt scénaristique des rivalités. Si vous vouliez voir les péripéties et retournements de situation, il fallait regarder RAW, SmackDown n’étant qu’au mieux le temple de matchs plus techniques et surtout plus longs.

Avec la Draft, cette perspective disparaît, SmackDown retrouve sa propre identité et ses propres lutteurs avec pas mal de top superstars installées depuis longtemps comme les deux éternels ennemis que sont John Cena et Randy Orton et quelques catcheurs plus récents mais déjà souvent en tête d’affiche (AJ Styles, Dean Ambrose ou encore Bray Wyatt). Quant à RAW, le show semble avoir opté pour un vivier plus important avec de la ressource, énormément d’upcarders à gros potentiel (Cesaro, Sami Zayn, Finn Bálor, Kevin Owens, etc.) avec en leadership Seth Rollins, qui de plus en plus ressemble au nouveau mâle alpha pour la compagnie de Stamford.

Ces chamboulements, la WWE les désigne sous un seul terme, celui d’une nouvelle ère. Constamment présent dans la bouche des commissioners et general managers de RAW et SmackDown, le terme peut sembler sur-utilisé mais semble surtout vouloir offrir un nouvel élan au produit de la WWE. Des changements qui vont mener la WWE à créer une sorte de nouvelle guerre qui ne sera pas cette fois-ci contre une autre fédération, mais bien une guerre interne, entre RAW et SmackDown.

Un aspect tout d’abord promotionnel

Le premier atout majeur de cette « New Era », c’est son côté très accrocheur. Vous vouliez le retour des deux brands et des deux ceintures majeures ? C’est fait. Vous vouliez plus de superstars ayant leur chance ? Finn Balor et Dolph Ziggler sont vos nouveaux challengers pour les titres majeurs. Vous vouliez plus de temps pour la division féminine ? Le match entre Charlotte et Sasha Banks avec la victoire de cette dernière a probablement été le meilleur du dernier RAW. Quelque part, il y a là une réponse aux attentes manifestes d’une bonne partie du public de la WWE.

De même, proposer des shows avec des visages différents peut permettre de toucher plus de monde, il faudra s’attendre à ce que les identités de RAW et de SmackDown soient assez différentes, avec une gestion scénaristique qui devrait mettre en avant chaque show sur un aspect particulier.

De là à dire que le monde la WWE change totalement, ce serait exagéré. La propulsion des superstars vers le main roster reste identique et si la montée soudaine dans le main-event à SmackDown de Dolph Ziggler est à contre-temps — son moment de gloire aurait dû être après les Survivor Series de 2014 et celle de Finn Balor est préparée de longue date. Il n’y a pas de réelle surprise à ce que la WWE, qui avait fait de Finn Bálor le porte-étendard de NXT, veuille que celui-ci marque son empreinte directement après son arrivée dans le main roster.

Du coup, la WWE peut revenir vers certains fans en leur montrant que les temps changent, que la surprise est de nouveau au rendez-vous, tout en gardant largement le contrôle sur ce qu’elle fait. Cet avènement de nouveaux visages, la WWE l’a déjà connu autrefois et Mick Foley y a fait une référence assez osée, c’est la période de l’Attitude Era.

La comparaison avec l’Attitude Era, cohérente mais inexacte

Cette comparaison quelque part tient la route. La WWE a besoin d’un ensemble de nouveaux main-eventers pour alimenter sa carte et prévoir le moindre pépin. Cette recherche de nouvelles top superstars va sûrement mener la WWE à amener pas mal de nouvelles têtes en haut de la chaîne alimentaire, et là où les règnes se faisaient très longs, on pourrait voir pas mal de changements de titres et de rivalités au sein même de chaque brand. La présence de pay-per-views dédiés à chaque brand — comme Backlash le 11 septembre prochain — aidant l’intensification du rythme.

On se retrouve donc avec ce vivier de nouveaux catcheurs émergents depuis quelques années et qui ont déjà pas mal chamboulé la WWE. Entre NXT et les futures signatures de la WWE, un autre ensemble de catcheurs devrait rapidement faire son apparition dans le roster principal de la WWE. On risque du coup d’avoir des shows où la compétition sera féroce et cela ressemble pas mal à l’esprit qu’on nous vend lorsque l’on parle de la New Era.

Là où la comparaison utilisée par Mick Foley à l’antenne perd un peu de son exactitude, c’est quand on s’approche du contexte. L’Attitude Era est née d’une nécessité de la WWE de remanier son roster après les départs multiples de ses têtes d’affiche vers la promotion concurrente, la défunte WCW. Ici, on reste sur une brand extension plus classique, où la division s’est faite sur la base du temps attribué à chaque show. L’idée semble être de créer une guerre interne qui aurait l’âme des Monday Night Wars, avec un échange de coups en terme de surprises et de segments marquants mais au final, on reste plus dans une logique où la surpopulation du roster exigeait qu’on attribue plus d’espace aux catcheurs.

Ce n’est ni un grand changement de programmation, ni un virage dans la ligne de la WWE, celle-ci reste un divertissement sportif avec une haute concentration autour des histoires entre les catcheurs. Il faudra, comme a pu le faire l’Attitude Era, que cette nouvelle ère apporte un nouveau visage à la WWE. Et cela aura, comme l’Attitude Era a pu en avoir, quelques défauts.

S’ouvrir à toutes les visions du catch

Ces défauts peuvent être très rapidement sensibles comme la future hiérarchisation des ceintures majeures. La WWE avait discrédité, au fil des années, le prestige de la ceinture mondiale en la mettant à des places pas forcément très valorisantes lors de ses pay-per-views. En attribuant des pay-per-views exclusifs à chaque brand, la WWE pourrait atténuer ce sentiment et peut-être réussir à faire en sorte que les deux ceintures se valent. Ce sera complexe et SummerSlam pourrait être le temple de la première lutte des deux brands : celle pour le main-event.

C’est un défaut qui a toutefois ces qualités. La présence de deux ceintures majeures offre plus de possibilités et des règnes que l’on attend pas. Un upcarder peut plus facilement se faire un chemin jusqu’au titre. Pour des catcheurs présents depuis un moment dans le roster et qui n’ont pas encore touché à un titre majeur, ce sera l’occasion ou jamais. Kevin Owens, Cesaro, Bray Wyatt, autant de catcheurs qui ont longtemps tourné autour du main-event sans pouvoir l’atteindre. Cette fois, ils auront une chance de montrer leur talent une fois au sommet de leur brand.

Mais tout cela n’est pas vraiment nouveau, au final, si elle en restait là, cette nouvelle ère ressemblerait très fortement à celle qui a précédé la réunion des brands à RAW. Il va falloir que la WWE renouvelle son produit, ce qu’elle a déjà pu faire avec NXT. Bien évidemment, l’aspect plus tourné vers un catch pur de NXT ne conviendrait pas à tous les programmes. Mais l’arrivée de catcheurs comme Shinsuke Nakamura, Finn Balor ou même Austin Aries va devoir symboliser un renouveau du style de la WWE, qui aura à peu près tous les styles de catcheur sur ses rings.

Il faut aussi voir ses nouvelles arrivées comme un rafraîchissement sur le plan morphologique plutôt que sur l’âge de chacun. Finn Balor est plus vieux que Roman Reigns mais il représente bien plus le futur de la WWE que ce dernier. Non pas parce qu’il va rester longtemps, mais parce qu’il apporte avec lui une nouvelle vision du main-eventer. Les catcheurs à la Roman Reigns, John Cena ou Randy Orton auront toujours une place mais elle se fera de moins en moins prédominante. C’est un virage qui a été pris depuis déjà quelques années avec Daniel Bryan ou Seth Rollins, mais la WWE semble vouloir s’appuyer davantage sur ce type de catcheurs, plus techniques et rapides.

Un autre appui important, ce seront les catcheuses. Entre les déclarations de Becky Lynch à la dernière San Diego Comic Con et le quatuor qu’elle des four horsewomen forme avec Bayley, Charlotte et la néo-championne Sasha Banks, la WWE tient potentiellement un point de départ pour offrir une plus grande place aux femmes. Le changement est toujours en cours, un an après la révolution annoncée par la WWE, mais elle n’était pas encore tout à fait effective, n’étant sensible que par à-coups. Offrir plus de temps aux femmes ne suffit pas, il faut les idées qui vont avec, des idées qui dépassent le simple duel entre championne et challengeuse. Avec la séparation des brands, le temps alloué peut être plus important mais surtout doit permettre d’offrir du temps à plus de catcheuses.

Il ne faudra pas oublier que le plus important — un peu dans la lignée de la déclaration de Cesaro après la Draft — ce sont les catcheurs et et que si l’on veut créer des têtes d’affiche, il faudra laisser s’exprimer leur personnalité au maximum. Quelqu’un comme Shinsuke Nakamura sera un total OVNI pour le roster de la WWE et il faudra le laisser ainsi. Le côté démon de Finn Balor devra trouver un moyen de se renouveler et d’évoluer au fur et à mesure de sa carrière à la WWE. Bray Wyatt aurait aussi besoin de canaliser ce côté gourou très particulier et de rattraper les personnes qui ont décroché du personnage depuis un moment. Chez les femmes, il faudrait aussi penser à affirmer un peu plus les personnalités de chacune. Globalement, l’esprit de compétition que veut amener la WWE doit amener à se faire sentir dans la gestion des personnages.

Le futur de la WWE

En vérité, cette nouvelle ère était plus ou moins implicite. John Cena avait déjà descendu d’un cran pour laisser sa place à de nouveaux main-eventers. Même s’il aura sûrement un dernier run avec le titre mondial, il faut bien se dire que nous approchons de la fin du poster boy dans son emploi à temps plein. Il sera d’ailleurs intéressant de voir quelle rivalité il aura après la fin de son opposition avec AJ Styles. Il avait excellé dans son travail avec les nouveaux talents à RAW, on espère revoir cela à SmackDown.

Dans son ensemble, le roster ne garde de l’ancienne ère que deux têtes d’affiche qui ont été envoyées à SmackDown. Finalement, le temps où Randy Orton et John Cena étaient indispensables à la WWE tend vers sa fin. Et il est peut-être là, le plus grand changement, dans l’acceptation de la WWE que le temps de ses précédentes stars est fini. Et il faudra observer attentivement la place de John Cena lors du prochain WrestleMania pour probablement s’apercevoir que la WWE a définitivement décidé de passer à autre chose.

Des sursauts sont toujours possibles, mais il faudra bien observer les mois qui viennent car c’est l’entame officielle d’un nouveau cycle qui a peut-être déjà trouvé un de ses leaders avec Seth Rollins. En s’appuyant sur cette base, la WWE va probablement voir si Dean Ambrose est capable de porter SmackDown, si Finn Bálor peut atteindre la popularité espérée ou s’il faudra chercher ailleurs.

Il faudra aussi appuyer sur la division féminine en proposant une tête d’affiche forte. Un peu à l’image de ce qu’a fait Ronda Rousey à l’UFC, s’appuyer sur les talents, la domination ou le charisme d’une catcheuse de la fédération ne ferait pas de mal. Quand on voit le travail fait à WrestleMania 32 et la réussite du match féminin, on se dit quand y ajoutant un traitement quotidien plus intensif, ces triple threat matchs pourraient devenir de grands WrestleMania moments.

La « New Era » symbolise finalement une coupure volontaire de la WWE dans son histoire. Puisque son visage a déjà été modifié ces dernières années, le terme a été employé pour recréer une simple dynamique. Mais en creusant un peu plus, la WWE peut faire en sorte que ce terme implique un cadre plus compétitif, avec des périodes de règne plus courtes mais plus intenses pour donner un élan commun à ceux qui doivent être, comme annoncé, le futur de la WWE.

Que représente réellement cette « nouvelle ère » de la WWE ?
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