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Décryptage

Peut-on aujourd’hui concurrencer la WWE ?

Depuis 2001 et la fin de la WCW, la WWE ne s’est jamais retrouvée de concurrent capable de contester son hégémonie. Que faudrait-il à une compagnie pour rivaliser avec Vince McMahon ?

WWE

Glorifiée comme la meilleure période de l’histoire de la WWE, l’Attitude Era comportait un atout majeur : deux fédérations en concurrence directe, sur un même continent et à des mêmes heures d’écoute. Une situation qui généralement bénéficie au spectateur, qui a l’embarras du choix. C’est un principe que le libéralisme adore, un maximum de concurrences pour une offre et une demande qui évoluent sans cesse. Si ce principe s’applique bien au monde économique actuel et ses différents secteurs, le monde du catch est à voir différemment.

On ne va pas vous faire un cours d’économie, ne vous inquiétez pas — on baillerait autant que vous. Mais il faut bien voir que la réalité du passé n’est plus celle d’aujourd’hui. Là où WWE a réussi à surpasser la concurrence agressive de la WCW par une variation de son offre et de son contenu, répondant ainsi à la demande d’une part des fans de catch, elle a aussi bénéficié depuis 2001 de l’absence de concurrence directe. Bien entendu, la WWE n’est jamais vraiment seule sur le marché, mais son statut d’empire économique et médiatique fait souvent penser qu’aucun produit ne pourra un jour rivaliser avec la machine de guerre de Vince McMahon. Un peu à l’image du basket-ball, du baseball ou du football américain, le but de la WWE est au final d’être la seule grande franchise de son domaine.

Pourtant, la contestation envers la WWE se fait de plus en plus sensible dans les réactions des fans et de sa catégorie la plus accrochée au catch. Cette contestation, la WWE y réagit constamment et en est à l’écoute en essayant de composer avec un public de plus en plus éclectique et qui se met souvent à dire ce que la WWE devrait faire comme un fan de foot qui crierait à Didier Deschamps de prendre un joueur plutôt qu’un autre. La France a 66 millions de sélectionneurs, le catch a un peu moins de deux millions de bookers abonnés au WWE Network.

Internet, fer de lance d’une nouvelle concurrence

On ne va pas vous faire le listing des compagnies qui pourrait tenter de jouer des coudes avec Vince McMahon, ici, on va plutôt voir les conditions qui peuvent amener des compagnies sur le terrain de la WWE. Les offres se sont multipliées sur internet et les service de streaming et vidéo à la demande (VOD) semblent être les nerfs centraux des économies futures dans le catch. En concurrence avec le système de pay-per-view lié au réseau de télévision, ces plateforme OTT — pour Over The Top, ou Service par contournement en Français — ont largement balayé les offres télévisuelles dans le genre.

Avec un prix réduit mais une production entièrement gérée par le réseau de diffusion de ces services, le système est plus rentable pour la WWE notamment avec le WWE Network qui a permis à la compagnie de s’offrir une machine économique efficace et moins coûteuse que celui des pay per view. Hors de la WWE, le système de streaming et de vidéo à la demande est encore en construction. Les structures développent tour à tour ce genre de service ou l’adapte. La NJPW et son NJPWWorld deviennent de plus en plus ouvert aux fans étrangers — la promotion développe son site vers l’anglais — et le service FloSlam, bien qu’encore en cours de rodage et manquant de gros contenu, pourrait bien être un must-have pour les fans avides de catch.

Le développement du WWE Network, de programmes comme NXT, 205 Live ou des tournois spontanés de la WWE ne sont pas des tests pour le futur, c’est un moyen d’attirer tous les fans possibles. En plus de son produit mainstream porté par RAW et SmackDown Live, la WWE a su créer une offre dédiée aux fans qui se lassent du produit principal. En développant son offre ainsi, la WWE a besoin de catcheurs et se nourrit du circuit indépendant et de son émulation via internet. Ce n’est pas pour rien si les profils à la WWE sont de moins en moins ceux de catcheurs qui sont de purs produits du Performance Center.

Le premier problème majeur de la concurrence à la WWE est là. Même si vous produisez un produit différent, la WWE a pris depuis quelques années un tournant qui lui permet d’être agressive sur tous les registres et des catcheurs qui seraient restés chez les concurrents sont aujourd’hui un ensemble de cibles potentielles de la WWE pour enrichir son produit. Certains iront puis reviendront, d’autres y resteront, mais le principe est là, le monde indépendant est meilleur qu’auparavant financièrement pour un catcheur mais toujours pas assez important pour concurrencer un contrat et les opportunités qu’offrent la WWE.

Une médiatisation quasi impossible à concurrencer

Si le circuit indépendant a privilégié internet c’est parce que toutes les compagnies du monde ont un problème : la présence médiatique de la WWE. Forte d’une présence despotique dans les médias américains quand il s’agit d’inviter des catcheurs, la WWE a su bâtir une forteresse médiatique quasiment imprenable. Seuls à vraiment rentrer dans le circuit mainstream américain, les catcheurs de la WWE sont la première image que vous montrez à un néophyte, que ce soit aux USA ou dans le monde — exception faite du Japon où la NJPW peut être considérée comme dominante.

Ce ne sont pas les deux shows du G1 Climax de la NJPW à Los Angeles qui seront suffisant pour venir ébranler cela. La WWE a pris possession de l’espace médiatique américain et n’est pas prêt de le voir s’envoler. La présence de ses catcheurs dans les programmes de talk-shows, dans les films ou des programmes de divertissement permettent à la WWE de conserver son statut de référence du catch dans l’esprit populaire.

Dominatrice sur le territoire américain par sa présence sur un réseau de télévision national, la WWE n’a jamais eu à s’inquiéter d’un retour d’une fédération face à elle. Si la TNA avait eu ses prétentions et son petit succès sur la chaîne Spike TV, le passage en concurrence directe face à Monday Night RAW en 2010 a bien démontré que l’envergure de la WWE était bien trop importante dans ce domaine.

Avec deux shows sur le même réseau le lundi et le mardi soir, la WWE a sécurisé dans son contrat avec NBC Universal — propriétaire de la chaine USA Network — deux revenus constants grâce à la publicité et les cinq heures de programmes qu’elle y propose. La WCW avait bénéficié à l’époque d’une exposition similaire notamment grâce à Ted Turner et son réseau de télévision mais les tentatives de la TNA et de la ROH sont aujourd’hui classables dans les échecs assez cinglants, la TNA se battant pour garder une exposition médiatique et le réseau Sinclair de la ROH n’ayant jamais réellement réussi à faire passer la ROH d’une compagnie majeure du circuit indépendant à une compagnie d’envergure mondiale.

C’est bien simple, tenter de rivaliser avec la WWE sur le continent américain tient plus de l’opération kamikaze que d’un véritable plan sur le long terme. La WWE s’assure de rester seule sur ce marché, s’offrant une base stable et pratiquement imprenable. On peut toutefois dire qu’en dehors des États-Unis, les offres se sont multipliés et ont fédéré des fans pas forcément acquis par la WWE. Les scènes britannique et japonaise ne sont pas une acquisition de la WWE, loin de là.

S’assurer un contenu dense et varié

La WWE semble l’avoir compris, 2017 marquant un nouveau choix stratégique de la WWE. Les rumeurs de rachat ou d’intégration au WWE Network sont nombreuses et on se rapproche de plus en plus de rattachements importants à plusieurs niveaux. Il faudra d’ailleurs surveiller assez lourdement le comportement de la WWE envers ses concurrents. La WWE semble décidée à nourrir son catalogue d’archives extérieures à son produit et des partenariats ou rachats aident à cela.

Si la rumeur du rachat de la ROH prolonge l’histoire de la WWE comme celui d’un ogre effaçant toute concurrence sur le territoire américain, les possibles arrivées de fédérations britanniques comme PROGRESS ou ICW sur le WWE Network et les probables accords déjà en cours font état d’une autre stratégie. la WWE s’assure par ces partenariats un pied dans une région qu’elle ne contrôlait pas forcément. Si le catch européen n’est pas le plus dominant, l’émergence de la scène britannique et des salles remplies par celles-ci n’ont pas échappées à la WWE. Si l’on ne peut pas parler vraiment de concurrence et que les fédérations bénéficieraient de ce deal plus que la WWE, cette dernière s’assure de l’avance sur un territoire qui se développait déjà.

Cela permettra aussi d’avoir des archives vidéos de certains catcheurs débarquant à la WWE après des passages dans les réseaux indépendants. La collaboration avec EVOLVE semblant satisfaire la WWE, la PROGRESS ou la ICW ne devraient pas trop souffrir de l’intégration au Network, même si cela pourrait sous-entendre la fin de quelques collaborations dans une logique où les autres fédérations de circuit indépendant bloqueraient certains catcheurs.

Difficile de croire que cela soit pour gentiment ouvrir les horizons des fans de catch. La stratégie peut plutôt se voir comme un investissement pour fidéliser les fans britanniques au WWE Network plutôt que de permettre aux américains de suivre le circuit indépendant. La logique des shows produits par la WWE pour offrir plusieurs styles de catch se prolonge dans un format plus particulier mais qui suit le même but : fédérer un maximum de personnes à ce que la WWE propose et met en avant.

WrestleMania, l’assurance de la domination de la WWE

La WWE a-t-elle vraiment besoin de cela ? Comprenez que malgré la tentative de comparatif que l’on fait ici, toutes les fédérations du monde se trouvent à mille lieues de la WWE. C’est bien simple, la compétition n’existe pas vraiment. La NJPW a énormément de chemin à faire même si elle possède les bases nécessaires. Wrestle Kingdom est certes un événement majeur qui attire 30 000 à 40 000 spectateurs, mais il n’a pas vraiment l’ampleur de WrestleMania qui même si la WWE gonfle un peu ses chiffres, tourne à un solide 70 000 à 80000 spectateurs par an au minimum.

Outre la simple confrontation directe, il faut bien voir l’émulation qu’entraîne un WrestleMania. Pour une ville, c’est un événement économique stable : une semaine de fans de catch parcourant la ville pour voir des shows et autres événements estampillés WWE ou par d’autres fédérations. La présence d’autres structures fait partie du lot qu’achète une ville quand elle réussit à obtenir l’organisation de WrestleMania. Ce genre de puissance économique, aucune autre promotion au monde ne l’a.

On pourrait alors dire que si la WWE a tant d’avance, elle n’a pas besoin de surveiller ses arrières, mais le WWE Network existe. Sans cela, la WWE n’aurait pas énormément d’armes pour assurer son monopole. Pourquoi engager autant de catcheurs si l’on ne peut pas produire les shows qui vont avec ? Pourquoi tenter de racheter des catalogues vidéos si l’on n’a rien pour produire des émissions dessus ? Ce genre de questions la WWE ne se les posent plus. La WWE va chercher plusieurs types de catcheurs qui se sont faits un nom parce que la WWE sait qu’elle aura un public qui paiera le Network pour voir ça. NXT, 205 Live, l’arrivée potentielle de fédérations extérieures, tant de shows qui sont là pour récupérer le fan qui ne se satisfait plus de RAW ou SmackDown. Chaque produit a une orientation particulière, des productions différentes pour attirer à chaque fois un public particulier.

La variété du produit de la WWE ne se situe pas vraiment dans la qualité mais plutôt dans la quantité. Elle produit de plus en plus de shows avec des catcheurs de tous horizons pour assurer son impact dans le monde du catch et au-delà. Le chemin à parcourir pour une compagnie afin de ne serait-ce chatouiller la WWE est gargantuesque. De la simple audience à l’influence médiatique en passant par des shows fédérateurs, les conditions à remplir pour s’offrir une stature de rivale de la WWE sont très nombreuses.

Nul doute cependant que le monde du catch continuera d’évoluer. L’amélioration du statut des catcheurs indépendants, la stabilité financière de structures étrangères maintiendra au minimum le fait qu’il existe un contenu alternatif. Si la NJPW est l’exemple qui vous vient en tête, c’est normal, elle est celle qui réunit au mieux les conditions pour se hisser au statut de rival de la WWE. Avec une production stable, des catcheurs qui se renouvellent et des investissements plus nombreux, la promotion japonaise a de grandes chances d’évoluer encore dans les prochaines années. Pas de quoi faire flancher l’empire McMahon mais au moins de quoi obtenir son respect.

Peut-on aujourd’hui concurrencer la WWE ?
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