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La fin de l’empire Roman

A la fin de l’empire, chacun est à sa place, nul n’est meilleur ni pire, nul ne reste de glace.
Alexis HK, La fin de l’empire

WrestleMania 34 ne marquera probablement pas l’Histoire. Ni la qualité des rencontres proposées, ni les événements déroulés ne donnent globalement l’impression de pouvoir rester durablement dans nos esprits. Tout au plus retiendrons-nous ce passage éclair de l’Undertaker et la fin de l’invincibilité d’Asuka. Mais son main event, houleux et chahuté, a peut-être marqué la fin d’un cycle. La fin de la mise en avant systématique de Roman Reigns en tant que top star de la fédération.

 

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Non, désolé monsieur, mais maintenant il va falloir faire la queue pour un ticket.

 

WRESTLEMANIA 34 MARQUE-T-IL LA FIN DU ROMAN EMPIRE ?

 

Ce dimanche 8 avril 2018, Roman Reigns entrait dans le main event de WrestleMania pour la quatrième fois d’affilée. Un exploit réalisé par une seule star avant lui, le légendaire Hulk Hogan. Cette simple statistique prouve le caractère exceptionnel de cette constance. Mais si l’omniprésence du Big Dog au plus haut niveau ne doit évidemment rien au hasard, elle doit plus à l’entêtement de Vince Mc Mahon qu’au talent et à la popularité de son poulain.

Depuis la dissolution du Shield, tous les projecteurs de la WWE ont été braqués sur le beau Roman. Pendant plus de trois ans, tout a été tenté pour établir définitivement le Samoan comme le nouveau super-héros de l’entreprise. Trois ans durant lesquels Roman est devenu vainqueur du Royal Rumble, triple champion poids lourds, champion intercontinental, champion des USA, bourreau de John Cena, Triple H, Randy Orton, Big Show et l’Undertaker. Sur le papier, c’est magnifique et aucun autre catcheur contemporain n’a connu une telle réussite en si peu de temps.

 

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Une fédération portée à bout de bras.

 

C’est justement cette domination outrageuse qui parasite la carrière de Reigns et sa relation avec le public. Pourri gâté par les décideurs, Roman provoque l’écœurement du public qui ne le rate pas à chacune de ses apparitions. Plus l’homme en noir gagne et domine, plus la foule le rejette. Le problème est tel que la WWE a dû souvent corriger sa copie. Roman s’est vu privé de longs règnes et de moments historiques pour éviter le bide et la fureur des spectateurs. On se souvient de la gronde #CancelWWENetwork suite à sa douloureuse victoire au Royal Rumble. On se souvient que dans la foulée, sa victoire attendue lors du main event de WrestleMania 31 a finalement échu à Seth Rollins et son éblouissant cash-in. Le problème, c’est que si Roman Reigns énerve dans la victoire, il agace tout autant dans la défaite. Quand il perd, les ficelles du plan pour nous le faire aimer sont tellement grosses que l’on ne mord pas à l’hameçon. Qu’il encaisse un cash-in vicieux de Sheamus, qu’il subisse le retour de Triple H venu remporter un Rumble, qu’il se fasse attaquer par toute la Ligue des nations, qu’il se fasse menotter par des policiers, démolir par Braun Strowman, suspendre par Vince lui-même ou tabasser par Brock Lesnar, jamais le public ne finit par prendre sympathie ou pitié pour SuperRoman.

Du coup, arrivé très haut très vite, Reigns est bloqué dans ce cycle de reconquête permanente, de push infini qui frustre tout le monde. La WWE a voulu en faire sa star mais ne lui a jamais donné un règne de champion du monde supérieur à deux mois. Si les scénaristes avaient assumé une vraie longue période de domination du Samoan en le laissant montrer son talent, l’opinion des passionnés aurait peut-être changé. Ce fut d’ailleurs temporairement le cas lors de sa rivalité de haute volée contre AJ Styles. L’on aurait peut-être évité des situations gênantes et incohérentes au seul objectif de lui faire gagner en popularité, telles que la reformation éclair et inutile du Shield l’automne dernier.

 

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Pardon, pardon… Pushez-moi, excusez-vous.

 

Ce qui s’est passé dimanche 8 avril 2018 à WrestleMania 34 est probablement la preuve que la WWE a enfin, une bonne fois pour toutes, abandonné l’espoir de faire de Roman Reigns le mâle alpha du royaume. Cette affiche contre Brock Lesnar était pressentie depuis de longs mois. Il paraissait évident que Reigns serait le tombeur de la Bête, celui qui renverrait le Minotaure à l’UFC et qui deviendrait champion universel deux ans après avoir gagné son dernier titre mondial. C’était sûr, c’était logique, c’était vendu comme tel et c’était pronostiqué massivement. Pourtant, à l’issue d’un match dérangeant à plus d’un titre et au parti pris scénaristique douteux, Brock Lesnar s’est imposé, laissant Reigns gésir dans son sang.

Ce résultat surprise ne constitue pas en soi la preuve d’un tournant dans le traitement de Roman. Comme on l’a vu, ce n’est pas la première fois que la WWE retire l’os de la bouche du gros chien pour calmer le public. Mais ce coup-ci, de nombreux signaux prouvent que l’on vient d’assister à la fin d’une époque.

 

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– L’État, c’est moi !
– Bien sûr monsieur, pardon monsieur.

 

Le match en lui-même fut une catastrophe. Roman Reigns est habitué à être chahuté à WrestleMania et la foule ne lui a pas vraiment montré de soutien lors de ses combats (d’ailleurs médiocres) contre Triple H ou l’Undertaker, mais ce coup-ci le rejet a atteint un point supérieur. Fatigué par sept heures de show, le public du Superdome s’est complètement détourné du spectacle, préférant jouer avec des ballons de plage ou scander des noms aléatoires de catcheurs moins bien traités par l’autorité. Le combat n’avait d’ailleurs pas de quoi maintenir la concentration, tant il fut une sorte de tagteam match playa « Superplex & F-5 versus Superman Punch & Spear ». Les deux protagonistes ont poussé leur catch à sa caricature extrême, ne délivrant que deux moves ad nauseam. Jusqu’à la nausée aussi, Roman s’est relevé des F-5 normalement dévastateurs. Il a fallu cinq fois et une violente giclée de sang pour qu’enfin finisse le supplice du Samoan et l’ennui des spectateurs.

Au final, ce match était un raté total au niveau du spectacle, de l’intensité dramatique et de l’implication du public. La faute n’en revient pas forcément à Reigns, mais le rendu décevant peut pousser l’entreprise à enfin envisager des options plus réjouissantes pour le combat le plus attendu et regardé de l’année. Après quatre éditions d’un niveau décroissant (le premier duel entre Lesnar et Reigns était bon, le combat contre Triple H très médiocre, l’affrontement face à l’Undertaker plutôt morose), il y a de bonnes chances que celle-ci fut la dernière. Alors que déjà les rumeurs laissent place à un main event féminin autour de Ronda Rousey pour WrestleMania 35, on voit mal pourquoi et comment la WWE pourrait s’entêter à garder Reigns à cette place.

 

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Pourquoi ça serait soit l’un soit l’autre ? Allons-y, moi je vous l’affronte votre petit prodige là.

 

La quasi-certitude de ne pas avoir Roman Reigns dans le main event du prochain WrestleMania, c’est déjà en soi une petite révolution. Mais d’autres pistes données depuis laissent à penser que son personnage sera moins mis en avant dans l’année. Deux Raw sont passés depuis WrestleMania 34 et ils confirment la tendance. Abandonnant sa position de mâle alpha qu’il avait assumée au lendemain de sa victoire contre l’Undertaker, abandonnant son rôle auto-approprié de pourfendeur des injustices qu’il avait dans la route avant Mania, Roman est apparu résigné, triste et surtout pleurnichard. Tel un vieux disque rayé, il continue de se la ramener sur les absences de Lesnar lors des weeklies. Mais depuis que Brock l’a violemment remis à sa place, l’argument ressemble plus à du fiel de mauvais perdant. Alors que tout le monde autour de lui bouge, s’agite de changements, migre vers un autre show ou part avec des ambitions nouvelles, Reigns paraît has been. Son rival de micro, le revenant Samoa Joe, paraît être tout à fait dans la bonne vague et obtenir les bonnes réactions. Reigns n’est pas un enjeu du shake-up. Il n’est même pas de la partie lors des main events à six ou dix des derniers shows rouges. Au contraire, il erre comme une âme en peine pas remise de tous les coups encaissés ce fameux dimanche. On semble nous dire qu’il faudra compter cet été sur les Miz, Owens, Balor, Rollins, Lashley, Hardy ou Samoa Joe mais moins sur la domination de SuperRoman. Peut-être que cette humiliation pénible contre Lesnar a été pensée à dessein. Peut-être que, comme Cena avec The Rock, Roman va ruminer longtemps sa défaite et devenir quelque temps l’ombre de lui-même avant de se reprendre en main. Peut-être que ce lent, long et méthodique tabassage du champion universel sur son dauphin était un exutoire, comme si chaque F-5 était porté par ces milliers de fans que Reigns n’a pas su fédérer. Comme si la WWE, après avoir sur-protégé son poulain, le livrait finalement au sacrifice.

 

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Hop ! Et on fait tourner les Samoans…

 

Rien n’est perdu pourtant. Dans quelques jours, Roman Reigns affronte Brock Lesnar dans un match en cage lors du « plus grand Royal Rumble de tous les temps » à Jeddah. Alors dans une semaine, ce papier et son auteur seront peut-être complètement décrédibilisés pendant que le Samoan se promènera fièrement avec une nouvelle ceinture rouge autour de sa taille. Mais ça ne ressemble pas vraiment à la dynamique actuelle, et si la WWE met visiblement beaucoup de moyens dans ce show saoudien, difficile d’imaginer que la fédération aille jusqu’à achever un règne de plus d’un an lors d’une soirée de gala. Difficile aussi d’imaginer que pour son grand retour, Samoa Joe s’inclinera à Backlash face à un Roman psychologiquement fragilisé. Après des années de domination, Reigns va peut-être enfin rendre la pareille à ses collègues et rentrer dans le rang. Ce serait aussi dans l’intérêt de sa carrière et de son palmarès. Doué entre les cordes et physiquement irréprochable, le jeune homme aurait probablement à l’heure actuelle un passé très honorable et une fanbase solide s’il avait été traité comme n’importe lequel de ses congénères (ses deux anciens copains du Shield par exemple) au lieu d’avoir été placé sur sa comète. Les bookeurs, les scénaristes, le grand patron Vince ont beau choisir les grandes orientations de leur entreprise en décidant qui doit se retrouver sous les projecteurs, la création d’une top star ne peut se faire qu’avec l’assentiment du public. Le cas Braun Strowman, grand rival de Reigns et largement devant lui désormais dans la popularité, en est l’exemple parfait. Au vu des réactions des foules à la vue du géant barbu, au vu du retour de Bryan, du succès d’AJ Styles, du vivier de stars à NXT, la WWE a peut-être enfin décidé de ne plus mettre tous ses œufs sur un seul panier. Tant mieux pour le spectacle.

 

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Viens Nicholas, on va chercher Pimprenelle.

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