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À la découverte de la Qatar Pro Wrestling, la promotion qui veut concurrencer la WWE au Moyen Orient

On est allé.e.s à la rencontre d’Ali Al-Marafi, dirigeant de la QPW et de son école de catch à Doha pour découvrir un peu plus cet ovni du Moyen-Orient, qui arrive à amener les plus grands noms du catch au Qatar.

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Sabrine Benmoumene/VoxCatch

Dans une petite salle de sport au sein d’une école de langues à Doha, on trouve la première école de catch du Moyen-Orient. La Qatar Pro Wrestling a ouvert son école de catch en Décembre dernier. Elle compte aujourd’hui une dizaine d’élèves qui pratiquent le catch par passion ou bien simplement par découverte.

Le catch au Qatar

Au Qatar, le catch est loin d’être une pratique appréciée comme dans beaucoup d’autres pays et reste très stéréotypé. Tout comme en France, le catch est vu comme un faux sport qui n’est pas légitime. C’est ce qu’ont raconté Ali Al-Majid et Mohamad El-Emadi, deux élèves de l’école de la QPW. La WWE au Qatar reste tout de même très apprécié, elle est diffusée sur OSN, bouquet qui donne accès au WWE Network.

La WWE est venue deux fois au Qatar, un événement surréaliste pour les fans. Ali et Mohamad n’en revenaient pas, ils ne pensaient pas qu’un jour la compagnie de Stamford allait venir au Moyen-Orient. Ali Al-Majid, 23 ans, nous a raconté : « La première fois c’était au Qatar Sports Club, il y avait beaucoup de monde, des femmes et des hommes, j’étais agréablement surpris. Pour la première fois, on sentait vraiment qu’en tant que fan arabe et résident du Qatar, on avait une place dans l’univers de la WWE ». Mohamad n’a pas pu se rendre aux shows de la WWE au Qatar, mais il en a toujours été fan ; « Je regardais quand j’étais petit, je ne parlais pas anglais et il n’y avait pas de commentaires en arabe. Il n’y en a toujours pas d’ailleurs. Mais puisque le monde arabe commence à être de plus en plus reconnu par la WWE, je suis optimiste à ce niveau-là. »

John Cena lors du premier passage de la WWE au Qatar en 2013 (WWE)

Les deux apprentis catcheurs ont effectivement beaucoup d’espoir. Avec l’arrivée de Sami Zayn et Mustafa Ali à la WWE, ainsi que les récents try-outs qui ont prit place à Dubaï et en Arabie Saoudite, ils ressentent que le monde arabe commence à être bien représenté à la WWE.

« Le personnage de Muhammad Hassan était horrible pour notre représentation »

Pour Mohamad, la WWE voit enfin les arabes comme des talents à part entière. « Le personnage de Muhammad Hassan était horrible pour notre représentation et je pense qu’ils ont réalisé qu’ils avaient fait une erreur, Sami Zayn est ici pour son talent et ça fait plaisir. Je suis heureux pour les récents try-outs, j’espère que cela va encourage le catch indépendant à se développer au Moyen-Orient. »

Ali Al-Majid aimait beaucoup Mohamad Hassan, pour lui ce n’est pas tant le personnage qui compte mais la représentation « Je suis à moitié indien et je suis content de voir Jinder Mahal. Je veux simplement des lutteurs qui représentent notre pays, peu importe le personnage qu’ils ont. Pour ce qui est du try-out fait en Arabie Saoudite, je connais l’un des gars qui a été embauché. Il s’appelle Mansour et on est devenu ami sur Instagram et Twitter avant les try-outs. De le voir à la télévision, c’est quelque chose, je me dis que cela pourrait être moi. Aujourd’hui la WWE se base sur le mérite et non plus sur les stéréotypes, cela montre qu’il y a de l’espoir pour nous.  »

Mais les fans de catch vivant au Moyen-Orient font face à des barrières que d’autres fans n’ont pas. Le contexte géopolitique de la région fait qu’ils ne peuvent pas vivre leur passion à 100%. C’est encore plus le cas pour le Qatar, qui fait face à un embargo du Bahreïn, des Emirats Arabes Unis, de l’Egypte et de l’Arabie Saoudite. Ainsi, le Greatest Royal Rumble n’était pas disponible au Qatar, seulement via un VPN. Ali a réussi à le regarder car il fonctionnait chez lui, mais certains de ses amis n’ont pas eu accès au show, ni au pré-show sur Youtube. Pour Mohamad, des évènements comme le Greatest Royal Rumble sont frustrants ; « C’est triste de se dire qu’on ne peut pas aller là-bas à cause d’un embargo politique. Le show se déroule à quelques heures de voiture de chez moi et je ne peux pas y aller car la frontière est fermée. J’ai regardé le GRR, j’aurais aimé y être. La seule chose que je n’ai pas appréciée, c’est l’intervention des frères Daivari. Pour moi, un show de catch ne doit pas être mêlé à de la politique. Dieu merci, on n’a pas mentionné le Qatar. »

La QPW, concurrent principal de la WWE au Moyen Orient ? 

Bien sûr, les différents conflits du Moyen-Orient ont une influence sur le développement du catch dans la région. La WWE vient de signer un contrat d’exclusivité de dix ans avec l’Arabie Saoudite. Elle ne peut plus se produire dans un autre pays de la région. Des fans de catch ne pourront donc pas se déplacer voir le show, notamment ceux résidant au Qatar. C’est là que la QPW joue un rôle primordial. Aujourd’hui, avec la WAWAN (Koweït), elle est le principal concurrent de la WWE. Aucune autre promotion internationale ne se produit au Moyen-Orient. La promotion se produit dans plusieurs pays : elle est passée au Qatar, au Koweït en partenariat avec la WAWAN et au Soudan.

De plus, la QPW a un carnet d’adresses bien rempli. Ali Al-Marafi, cofondateur de la promotion, est en contact avec les plus grands noms du catch. Il a déjà amené John Morrison, Rey Mysterio, Alberto Del Rio, Carlito, Bobby Lashley, Cody Rhodes, Mil Muertes, PJ Black (ex-Justin Gabriel), Booker T, Jinder Mahal et même Sting. Lorsqu’on lui demande comment il a réussi à se faire ses contacts, il répond que c’est simplement le fruit d’années de travail. Lors de notre entretien avec Ali Al-Marafi, il recevait plein de messages Whatsapp de la part d’Alberto Del Rio et Rey Mysterio pour le prochain show et qu’il a tenu à nous montrer.

Pour le prochain show en Octobre, Ali Al-Marafi prépare quelque chose de très très grand. « Les gens n’en croiront pas leurs yeux ». On a eu l’exclu en off d’un catcheur qui sera présent, qu’on a promis de ne pas divulguer. Ce qu’on peut vous dire c’est qu’effectivement, c’est du très très lourd. C’est même l’un des plus grand noms de l’histoire du catch.

Ali Al-Marafi et son partenaire Bilal Taha ont créé ensemble la QPW. Bilal faisait partie des négociations pour amener la WWE au Qatar. « Mon partenaire était en contact avec des agents en Allemagne qui eux même étaient en contact avec la WWE. C’est comme ça qu’on a pu l’amener au Qatar. Mais vous voyez, la WWE maintenant est en contrat avec l’Arabie Saoudite. On ne peut pas la contrôler, on ne peut pas dépendre d’elle pour avoir du catch dans nos pays. Alors on a décidé de créer une structure pour remédier à cela. On a donc créé la QPW pour avoir notre marque qatari. On a commencé en 2013 et aujourd’hui on devient de plus en plus important. On a des agents qui nous aide à gérer nos shows à New York, à Londres et bientôt au Japon pour être en contact avec des promotions indépendantes. »

« On veut former des catcheurs, on ne veut pas former des Superstars de la WWE »

Le but de la QPW ne s’arrêtait pas seulement à la création de la première promotion de catch au Moyen-Orient. Elle a un projet d’implantation dans le paysage du catch indépendant. Ali Al-Marafi aimerait que dans le futur, la QPW soit mentionnée comme on mentionne aujourd’hui la NJPW pour le catch japonais ou la CMLL pour le catch mexicain. Ali Al-Marafi explique : « Le but de la QPW c’était de créer ses propres talents indépendants. On veut former des catcheurs, on ne veut pas former des Superstars de la WWE. On veut les emmener vers des promotions indépendantes, partout dans le monde. On veut avoir plus de catcheurs indépendants arabes. On peut trouver un catcheur de la QPW à la NJPW, à la ROH et IMPACT ou même Lucha Underground. S’ils aiment un catcheur de la QPW, ils le prendront. »

Les élèves de la QPW à l’entraînement (Sabrine Benmoumene/VoxCatch)

Ainsi la création de la première école de catch au Moyen-Orient allait de soit. C’était un moyen de former des catcheurs arabes pour le circuit indépendant. « La WWE fait des try-outs, très bien. Sur vingt personnes elle en garde quatre. Que font les autres ? Ils arrêtent leur rêve sous prétexte que la WWE ne les a pas choisi ? Et bien, là, avec la QPW, ils ont un autre choix. Ils peuvent venir, continuer de s’entraîner pour devenir meilleur » défend Ali Al-Marafi. Cependant, la situation n’est pas aussi simple que ça. Les fans de catch saoudiens ne peuvent pas venir s’entraîner à la QPW à cause de l’embargo. Même chose pour les fans du Bahreïn et des Emirats Arabes Unis. De même, la situation économique de certains pays du Moyen-Orient empêche bien évidemment certaines personnes à venir jusqu’au Qatar.

Et Ali Al-Marafi a bien conscience de cela « Je me sens mal à cause de l’embargo. Il y avait des fans de l’Arabie Saoudite qui sont venu voir des shows de la QPW avant l’embargo. J’ai des bonnes relations là-bas. J’arrive à amener de gros noms comme Kenny Omega ou les Young Bucks qui seront au prochain show. Notre show est différent de la WWE mais c’est aussi bon. Cet embargo est un problème pour les fans, c’est dommage j’essaye de construire quelque chose qui pourrait aller au delà du Qatar et je ne peux pas. C’est frustrant, mais ça ne m’empêche pas de continuer mon business et de réussir. C’est juste dommage pour les fans. Les plus grands perdants sont les Emirats et le Bahrein qui n’auront pas de catch dans leur pays, ni la WWE ni la QPW ne pourront venir chez eux, à cause du contrat d’exclusivité avec la WWE et à cause de l’embargo. »

L’école de catch se développe assez bien aujourd’hui. Les apprentis s’entraînent deux fois par semaine. Leur entraîneur principal est Ali, qui a créé une école de catch au Royaume-Uni en 1997. Il a les bases, il leur transmet ce qu’on lui a transmis mais il a bien conscience que cela ne suffit pas. « On essaye d’amener de plus en plus de professionnels pour effectuer des semaines de séminaires pour les élèves. Alofa va bientôt venir faire un séminaire chez nous de trois jours. »

Pourtant, tout l’équipement est là pour faire des élèves de la QPW de bons catcheurs. Le ring installé dans la salle est un ancien ring de la WCPW/Defiant Wrestling. Tout est fait pour que les élèves réussissent.

En ce qui concerne les femmes, Ali Al-Marafi ne voit aucun problème à les entraîner. « Je peux apprendre aux femmes à catcher, elles peuvent faire partie de l’école. Après elles ne pourront pas être dans le show, car ce n’est pas en accord avec notre culture ». La QPW est donc sur la bonne voie pour s’imposer comme étant LA promotion indépendante du Moyen-Orient et pour faire une bonne concurrence à la WWE, au vu des noms qu’elle amène.

Même la France y est

Lors de la collaboration avec la WAWAN pour leur show au Koweït en mai dernier, Ali Al-Marafi avait booké deux Français : Tom La Ruffa et Tristan Archer. Il faut croire que Tristan Archer a tapé dans l’oeil du dirigeant puisque celui-ci a récemment posté un message de soutien sur Instagram pour le mouvement « We Want Petiot ». Il fait aujourd’hui officiellement partie du roster de la QPW.

« La QPW a juste un roster incroyable. Les meilleurs catcheurs du monde sont présents. C’est un tel honneur d’être officiellement sur le roster » nous raconte Tristan Archer. « En plus, la fédération ne fait pas les choses à moitié : écran géant, feux d’artifices, gradins, salle immense… magnifique! À la WAWAN (au Koweït), on a été très bien accueillis et bien encadrés pendant tout notre tour, avec une équipe au top. Ali a été un patron parfait. Il a tout géré, avion, hôtel, restauration… En plus de cela c’est quelqu’un de très humain qui a beaucoup de choses à raconter. Un chic type comme on dit. »

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