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Culture Catch

Dénigrer les « Divas » de la WWE n’est pas une bonne idée

Les « Divas » font partie intégrante de l’histoire de la WWE. Mais en raison d’une image véhiculée par la WWE elle-même autour de ces catcheuses et le tournant qu’a récemment pris l’histoire avec la « Women’s Evolution », celles-ci sont très souvent dénigrées, et souvent injustement.

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À la WWE, Avant les Royal Rumble féminins, les Elimination Chamber féminins, les Money In The Bank féminins, les Hell In A Cell féminins, les main-events féminins et les matchs féminins de plus de vingts minutes, il y avait des femmes qui faisaient de leur mieux pour apparaître à la télévision et montrer qu’elles étaient plus que des fesses et des seins.

Il y a quelques semaines un tweet a fait beaucoup de bruit sur le réseaux social parmi les fans de catch, c’est celui de Maria Kanellis qui faisait part de son souhait de voir réapparaitre le titre de championne des Divas. Si la proposition peut faire sourire, elle amène à réfléchir sur la place de ces catcheuses dans l’histoire.

Je veux que ça soit un troisième titre. Un symbole pour ne jamais oublier notre histoire. Pour la respecter. Pour apprendre d’elles. Il faut redéfinir la signification du championnat des Divas, où les femmes peuvent définir leur valeur en tant qu’athlète. Où elles peuvent faire de chaque match un Ironman si elles le veulent. #Diva

Une incompréhension s’est vite créée autour de ce tweet, faisant comprendre que l’ère des Divas était terminée et que Maria Kanellis devait passer à autre chose. Mais pour quelle raison oublier ? Pourquoi les fans veulent à tout prix effacer la période des Divas de l’histoire du catch ? Et pourquoi le mot « Divas » a une si mauvaise connotation auprès des fans alors que les Divas sont celles qui ont permis la révolution féminine ?

Un terme devenu controversé

Quand on pense aux Divas, on pense tout de suite aux bra and panties matches, aux pillow fights, aux bikini contests ou au Diva Search. La WWE a toujours travaillé sur le sex appeal des femmes qu’ils embauchaient. Et cela bien avant l’ère des Divas. Pourtant, ils sembleraient que seules les Divas soient associées à cela. Sunny est aujourd’hui considérée comme une légende du catch, pourtant elle n’a jamais été catcheuse, elle a simplement été là au bon moment.

Le terme divas a été prononcé en premier en 1999 par Sable lors d’un épisode de RAW is WAR. Par la suite, la WWE a décidé de réutiliser ce terme pour nommer toutes les catcheuses de leur roster, ce qui n’a pas plus au début. Dans « A less travel road » le livre autobiographique de Lita, celle-ci expliquait que ce choix avait énervé la plupart des catcheuses du roster en coulisse et n’a jamais vraiment été accepté par certaines. Elle expliquait que lors d’un photoshoot que les femmes faisaient pour un DVD sur une plage, des médias sont venus les interviewer et un journaliste lui a demandé ce qu’elle pensait du terme « Diva ».

« Je ne savais pas qu’on s’appelait comme ça. J’ai répondu « Vous nous avez appelé comment ? » et j’ai ri au nez du journaliste. Jusqu’à ce que je me rende compte que ce n’était pas une blague. Je n’ai jamais vraiment aimé ce terme. »

Malgré le fait que beaucoup ne se reconnaissaient pas dans ce terme, celui-ci a finalement été avec les années accepté par la majorité des fans de catch et des catcheuses. Être une Diva, cela signifiait faire partie de la WWE. Être une Diva c’était être « Intelligente, sexy et puissante » — la devise des Divas était Smart, Sexy and Powerful. Récemment, Stephanie McMahon expliquait lors d’une conférence organisée par le magazine Fortune que le terme avait été choisi en rapport avec les Divas de la Soul comme Aretha Franklin, Maria Carey ou Whitney Houston.

Mais là vient un problème, l’image que véhicule ce terme. Très vite, une fraction s’est créée au sein même de la division féminine. Les premières : ce sont des « catcheuses », elles font de bons matchs et ne sont pas là que pour leur physique. Et puis il y a les autres, les « Divas », qui ont été embauchées parce que belles et sexys, qui ne savaient pas forcément catcher mais qui étaient agréable à regarder.

S’en suit la création du Diva Search, où la WWE recherchait des femmes, jolies et séduisantes de préférence — c’était carrément un critère — qui ont un certain charisme. Résultat : on se retrouvait avec des bikini contests à tout-va, des défilés de lingerie et autre horreurs bien sexualisées pour faire comprendre que les Divas sont principalement là pour plaire à l’audience masculine. À terme, le Diva Search a aussi eu quelques bienfaits. Beaucoup ont rejoint ce concours car elles étaient fans de catch, car elles voulaient être catcheuse. Certes, la méthode de recrutement laissait à discuter, mais elle a permis à des filles qui n’étaient pas forcément catcheuses de devenir de bonnes catcheuses. Parmi elles, on peut citer Candice Michelle, Michelle McCool, Layla, Eve Torres ou encore les Bella Twins.

Mais ce qu’on retient principalement des Divas, c’est cette hypersexualisation de la femme, ces matchs sans intérêts, ces concours abjectes qui mettent en compétition des femmes pour rien d’autres que leurs attributs physiques. On ne prenait jamais en compte le travail que ces femmes ont réalisé pour mettre fin à ces clichés, même à leur petite échelle d’employé. On ne prend jamais en compte l’évolution qu’elles ont connu, ni les combats qu’elles ont mené en interne pour faire en sorte que l’Evolution à laquelle on assiste aujourd’hui ai lieu.

Une génération de catcheuses oubliées

C’est en raison de cette image renvoyées par les critiques et les fans sur les réseaux sociaux qu’en 2016, Stephanie McMahon annonçait aux catcheuses de la WWE qu’elles n’allaient plus s’appeler « Divas » mais comme les hommes : Superstars, et que désormais, le titre de championne de la WWE — devenu celui de RAW — replaçait la ceinture de championne des Divas. L’ère des Divas est terminée, c’est super. Mais on garde un certain gout amère.

Le titre de championne des Divas a été à la base créé comme un deuxième titre féminin. Un titre qui a vu le jour au moment où la division féminine de SmackDown était en train d’exploser avec l’arrivée de Natalya, l’évolution énorme de Michelle McCool et l’exposition que les femmes avaient, même lors des tag-team matchs. Personne ne parle de cette période du catch féminin à la WWE qui a pourtant était excellente. L’arrivée de Brie Bella en solo et ses disparitions sous le ring ont aussi était une innovation de la part de la WWE qui en a surpris plus d’un. Pourtant, personne n’en parle. Le titre de championne des Divas était utile, de vraies feuds se sont créées autour de lui et on était parti pour avoir deux bons rosters féminin.

Mais la WWE a pris un chemin différent. Résultat, suppression du titre de championne de la WWE, suppression des rosters et le titre passe d’une main à l’autre, sans réelle signification. Les matchs se raccourcissent et les femmes deviennent des « pauses pipi », et cela à cause de qui ? Des Divas elles-mêmes bien évidemment. Celles qui backstage se plaignaient parce qu’elles ne comprenaient pas leur booking, celles qui demandaient plus de temps pour leur match, celles qui profitaient des house shows pour montrer aux fans qu’elles pouvaient tenir longtemps sur un ring.

Et comment voulez-vous que des filles qui sont arrivées sans expérience dans le catch progressent avec des matchs de deux minutes ? Comment voulez-vous qu’elles montrent leurs progrès en terme de catch ? Impossible pour Kelly Kelly de montrer qu’elle s’entraîne lors de ces jours de congé à la FCW et impossible pour Maria de montrer ses talents au micro quand on ne lui donne pas le micro.

Sans nier le fait que ces femmes ont forcément plus de difficultés que des femmes venant de l’indy, il faut aussi remettre les choses en perspective. On ne leur a pas laissé l’occasion de montrer ce qu’elles savaient réellement faire. Beaucoup oublient cela aujourd’hui et préfèrent penser que les catcheuses de la révolution féminine sont naturellement meilleures. En oubliant que Charlotte Flair à ses débuts avait les mêmes compétences que Kelly Kelly (à savoir la gymnastique) et qu’elle a simplement eu plus d’entraînement qu’elle. À l’époque, on a préféré envoyé Kelly Kelly jouer à la strip-teaseuse pour l’ECW, c’était quand même plus marrant.

Le tweet de Maria Kanellis ci-dessus n’est pas le seul mécontentement exprimé des anciennes Divas de la WWE. Lors d’un épisode de Table For 3, Maryse, Kelly Kelly et Eve Torres ont exprimé leur frustration vis-à-vis de ce terme.

Nous étions là à vouloir faire des choses et on nous donnait quatre minutes avec nos entrées. On parle de révolution féminine et on nous oublie. On parle des femmes qui étaient là avant nous et des femmes après nous, mais jamais de nous. On retire le titre des Divas et on fait comme s’il n’avait jamais existé. Alors que lorsqu’on allait sur le ring, on faisait de notre mieux pour divertir le public avec le peu qu’on nous donnait.

Un sexisme flagrant

Beaucoup aiment souligner le fait que certaines d’entre elles étaient des « eye candies » (des jolies filles) et que d’autres étaient des catcheuses. Beaucoup aiment établir une hiérarchie entre les « bonnes Divas » et les mauvaises Divas. Alors que ces deux profils travaillaient ensemble parfois dans des matchs excellents qui sont souvent oubliés des fans. Les Candice Michelle contre Beth Phoenix, les Kelly Kelly contre Beth Phoenix, les Eve Torres contre Layla, les Maryse contre Michelle McCool… et pleins d’autres encore. On aime rappeler que certaines femmes étaient là pour leurs paires de seins et que d’autres étaient là pour catcher. Et on aime oublier que certaines ont été sexualisées malgré elles et ont tout fait pour s’éloigner de cette image. Candice Michelle expliquait dans une interview qu’elle ne savait jamais sur quel pied danser à la WWE:

Un coup ils nous demandaient de venir catcher en bikini, un coup ils nous disaient que nos tenues étaient trop découvertes. Ils ont dit à Torrie Wilson et moi qu’on allait avoir un match à WrestleMania qui allait être un Playboy/ bikini/robe de soirée/pillow fight match. On leur a dit : « OK mais concrètement qu’est-ce qu’on fait ? On ne peut pas juste avoir un match ? Parce que cela sera plus difficile de trouver un bikini qui va sous une robe de soirée plutôt que de faire un match tout simple. »

Difficile de se focaliser sur la qualité du match quand le critère principal de celui-ci est la tenue des catcheuses sur le ring. Difficile aussi d’être prise au sérieux en tant que catcheuse alors que la seule chose qu’on vous demande c’est « soit belle et tais toi ».

À l’approche du premier PPV entièrement féminin, WWE Evolution, les rumeurs s’agitent sur la présence d’ancienne Divas sur la carte. Alors qu’il est tout à fait normal que ces femmes aient leur place dans ce pay per view, puisqu’elles font partie de l’histoire des femmes à la WWE.

Pendant longtemps, les matchs féminins étaient perçues principalement par les hommes comme la « pause pipi » à la WWE. Quand on est une femme fan de catch, peu importe le match qu’une catcheuse a, on est heureuse de voir des femmes comme nous à la télévision. À une époque, on était juste contente de voir un peu de représentation féminine même si cela durait deux minutes et même si les matchs étaient mauvais. Les Divas avaient beau ne pas avoir d’exposition, elles ont inspiré des tonnes de femmes à devenir catcheuse aujourd’hui.

Quand lors d’un épisode de Tough Enough Cameron a cité le fameux Alicia Fox contre Melina comme étant le match qui lui a donné envie d’être catcheuse face à un Stone Cold Steve Austin éberlué, les moqueries ont fait le tour des réseaux sociaux, mais pourquoi ? Parce que Cameron a regardé le catch plus tard et a préféré ce match aux autres ? Parce que peut-être que pendant ce match elle a vu un semblant de représentation qui lui a fait dire « moi aussi je peux faire ça » ? Dans le podcast de Steve Austin justement, Cameron étaient revenue sur ce moment:

Je n’étais pas une fan de catch assidue et c’était la première chose dont je me suis souvenue en tant que femme. J’ai fait genre « c’est bien ce que j’ai dit », et c’est le genre de chose qui m’a suivi pour toujours. Mais je ne regrette pas ce que j’ai dit parce que je pense que je n’aurais jamais eu cette envie d’apprendre l’histoire. Aujourd’hui je vois pourquoi les gens étaient si furieux. Sur le moment j’ai pas compris, ou je me disais « si c’était quelqu’un d’autre les gens auraient dit ‘oh oui’, mais tu vois c’est parce que c’est moi ». Je reçois toujours autant de critiques et de haine, mais je suis heureuse parce que c’est en faisant des erreurs que l’on apprend et que l’on grandit. Cela m’a vraiment permis de m’asseoir, d’apprendre l’histoire et de me dire « OK, tu sais quoi ? Je vois ce qu’ils veulent dire maintenant ».

Un peu de bienveillance ne ferait pas de mal. Les Divas ont bercé l’enfance de certain·e·s, une partie de notre vie de fan de catch. Les Divas ont inspiré des millions de femmes et d’hommes, elle ont fait vibrer des millions de fans et ont permis à certaines catcheuses et certains catcheurs d’être là aujourd’hui. Il serait temps que l’on respecte leur travail et qu’on prenne conscience des réalités de leurs conditions de travail. Créer de hiérarchie au sein de la division féminine n’est pas non plus l’une des meilleures choses à faire. Les Bella Twins catchent depuis dix ans maintenant, elles sont aujourd’hui vues dans les coulisses comme des vétérans et sont écoutées par leur plus jeunes collègues. Pourquoi leur avis vaudrait moins que celui de Mickie James ?

Chacune a posé sa pierre à l’édifice, chacune fait partie de l’histoire du catch féminin et chacune mérite le même respect. En réponse au tweet de Maria Kanellis, Mickie James avait eu la parfaite réponse pour expliquer en quoi les Divas restent importante pour l’histoire du catch féminin de la WWE.

Il y a beaucoup de controverse autour de l’ère des Divas mais prenons juste une seconde pour apprécier toutes les bonnes choses qui sont ressorties de cette ère. Le terme « Divas » a été créé seulement dans un but de marketing. Les matchs en « carton » existaient déjà bien avant avec l’Attitude Era et tous les fans le savent. Pourtant, il y a des femmes comme toi (Maria), Michelle McCool, Eve Torres, Layla, Kelly Kelly, Les Bella Twins et la liste est longue qui se sont entraînées durement pour être vue autrement que comme des mannequins. Elles ont donné de l’inspiration à des millions de petites filles pour faire partie et être dans un groupe de femmes fortes, belles et talentueuses. Cela a ouvert des portes à un public mainstream grâce à Total Divas, Total Bellas et encore aujourd’hui grâce à Miz & Mrs. Je suis la première à toujours vouloir marquer l’histoire. Mais je refuse d’ignorer l’histoire qui repose sur le dos de pionnières juste pour servir ma propre histoire. Nous avons toutes fait parti de cette histoire depuis le début de ce business. Les femmes faisaient déjà des main-events, des matchs hardcores, des falls count anywhere et des batailles royales. Avant moi, avant les Divas et avant « l’Evolution ». Nous ne devons jamais oublier cela. Et si vous ne le savez pas, allez voir ce qui a été fait car c’est génial et je suis reconnaissante de l’existence de chacune de ces femmes.

Aujourd’hui, peu importe la manière dont on les appelle, les Divas font partie de l’histoire et sont surtout les victimes d’un système qui ne leur a pas permis comme les catcheuses d’aujourd’hui de progresser aisément et de montrer qu’elles pouvaient être les performeuses qu’elles auraient sans doute voulu être, et souffre surtout de l’image que la WWE a renvoyé d’elles pendant de nombreuses années. Jeter la faute sur ces catcheuses c’est oublier que la WWE est responsable de ces années peu glorieuse du catch féminin.

Dénigrer les « Divas » de la WWE n’est pas une bonne idée
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