Interview

El Satanico : « André le Géant est considéré comme une légende, une superstar, une grande figure de la lucha libre »

andre the giant el satanico

La légende de la Lucha Libre El Satanico a rencontré de nombreux catcheurs durant sa carrière, mais il y en a un qui l’a particulièrement marqué : André Le Géant.

Daniel Lopez « El Satanico » est une légende du CMLL et de la lucha libre mexicaine. À 70 ans, il est devenu champion du monde des professeurs de lucha libre, titre détenu pendant des années par le luchador Solar. Il enseigne à l’Arena du CMLL de Guadalajara.

En 47 ans de carrière, El Satanico a affronté les plus grands noms de la lucha libre mexicaine mais aussi du catch dans le monde entier. L’un d’entre eux ne fut nul autre que le célèbre Français André Le Géant. Il nous raconte sa rencontre avec lui, ses souvenirs sur le ring et ses différentes péripéties aux côtés du géant de 2 mètres 24 et 235 kilos.

Quand a été la première fois que tu as affronté André le Géant ? Quelle a été ta réaction à l’annonce du match ?

Simplement, ton cerveau travaille et se demande : pourquoi moi ? J’étais un cruiserweight, lui c’était un super poids-lourd. C’était dans les années 80. Je catchais avec TNT et Sangre Chicana contre lui, Ringo Mendoza et Kato Kung Lee dans la ville de Cuernavaca, dans l’État de Morelos. Alors imaginez, voir mon nom contre le sien… À ce moment là, il se passe beaucoup de choses dans ma tête. Que vais-je faire contre cet homme ? Que puis-je faire ? Je ne vais pas pouvoir faire de la lutte, je ne vais pas pouvoir lui faire une prise et je vais encore moins pouvoir le soulever. Mais j’ai compris que cela faisait parti de ce côté mystique de la lucha libre. L’Arena Isabel de la ville était remplie. Nous avons rendu le public heureux. Évidemment, Sangre Chicana, TNT et moi savions que nous n’allions jamais pouvoir gagner face à ce géant.

A l’Arena Isabel, il y a une capacité de 5000 personnes. La salle était sold out à sa venue, mais il y avait au moins 2000 personnes qui n’ont pas pu entrer qui l’attendaient dehors. C’était incroyable ! Voir autant de personnes attendre un catcheur à l’extérieur d’une arène, je n’avais jamais vu ça ! Voir ce genre de réaction, cela nous motive nous en tant que catcheurs. Moi je suis un rudo (heel, ndlr), j’essaye toujours d’être très agressif dans ma manière de catcher. Je n’étais pas intimidé par André le Géant, mais oui j’étais impressionné. Je faisais tout pour le confronter, je sautais haut, je m’accrochais à son dos (rires) !

J’ai catché une seconde fois contre lui à Acapulco et c’était la même chose. Quand tu catches contre lui, tu sais que ça va être du pur spectacle et rien d’autre. C’est absurde de catcher contre lui en soit, on sait que ça n’est pas crédible de faire du un contre un. On est trois à l’attaquer et on a l’air minuscule. Mais je suis très fier d’avoir pu partager le ring avec une superstar de cette envergure.

« Il pouvait boire une bouteille entière de cognac avant un show et aller catcher en restant droit et sobre. »

Qu’as-tu pensé de sa personne, la première fois que tu l’as vue ? 

Voir quelqu’un comme ça, c’est anormal. Il faisait plus de 2 mètres, plus de 200 kilos. Ça faisait peur. Mais pourtant, quand on le connaissait personnellement, il était tout le contraire de ce qu’il représentait : très gentil, très amical. Je me rappelle d’une fois à Ciudad Obregon, où nous avions un show ensemble. Je ne catchais pas contre lui ce jour-là. Le show s’est terminé tard et nous voulions aller dîner mais tout était fermé. Il n’y avait qu’un seul vendeur de tacos, nous y sommes allés. Alors on a tous fait notre commande, puis arrive André. Il a demandé « Combien de tacos te reste-t-il ? ». Le vendeur répond : « il me reste à peu près 2 kilos. » Et André l’a regardé et lui a dit : « je prends tout ». On est tous restés bouche bée. Et il a mangé 2 kilos de viande (rires) !

Je me rappelle qu’il adorait la bière. Un jour il est arrivé à un show avec un pack de 24 mini-bières. On pensait qu’il allait nous en offrir. Et il a tout bu seul (rires) ! Il buvait aussi beaucoup de cognac, en tant que bon Français. Et il le faisait avant d’aller sur le ring. Il pouvait boire une bouteille entière de cognac avant un show et aller catcher en restant droit et sobre.

Une fois, nous sommes allés à Chiapas une fois. Et pour aller là-bas, il fallait prendre l’avion. On a dû prendre un mini-charter et lorsqu’on est entrés dedans, il avait déjà pris deux sièges à l’avant car un seul ne suffisait pas pour sa taille. Puis, le pilote est allé le voir en lui disant : « Monsieur, pourriez-vous aller à l’arrière de l’avion ? Cela nous permettrait de décoller plus facilement ! » Alors André a bougé au décollage et il s’est remis à l’avant pour faciliter l’atterrissage (rires) ! C’était incroyable !

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Après 46 ans d’expérience dans la lucha libre, ce sont des moments que je n’oublierai jamais ! Je sais que je ne pourrais plus jamais vivre ce genre de choses. Avoir eu le privilège de côtoyer André le Géant, c’est quelque chose que je chérirai toute ma vie.

Quels sont les moments les plus impressionnants que tu as vécu sur le ring avec lui ?

C’était avec Sangre Chicana. On avait réussi à le sortir du ring. On avait soulevé Ringo Mendoza puis on l’avait lancé sur André le Géant en dehors du ring. Mais André l’a retenu et non seulement il l’a retenu, mais il nous l’a relancé à l’intérieur du ring. Je n’avais jamais vu un luchador avec autant de force ! Mais lui, il le fait sans problème. C’était littéralement la folie dans l’arène. Les gens étaient en transe ! On a aussi fait un crossbody avec Sangre Chicana, de la troisième corde sur lui. Il nous a rattrapés tous les deux et il nous a fait un bear hug, comme si c’était normal. Il n’y avait que lui pour faire ça.

Le pire lorsque l’on catchait contre André, c’étaient ses coups avec sa main ouverte sur le dos. Moi, il ne m’a jamais frappé avec son poing. Quand il me frappait j’avais l’impression que la taille de mon dos était égale à la taille de sa main (rires). Il était beaucoup trop fort pour nous, on ne faisait pas le poids. Catcher contre lui, c’était littéralement du spectacle, des matchs d’exhibition pour montrer sa force, rien d’autre.

« Ce n’était pas juste la bête de foire d’un cirque, c’était un vrai luchador. »

Comment est vu André le Géant au Mexique ? 

André le Géant est considéré comme une légende, une superstar, une grande figure de la lucha libre. Son histoire est connue de tous au Mexique. On a du respect pour lui en tant que catcheur parce que ce n’était pas qu’un géant venu ici pour faire plaisir au public.

C’était un lutteur professionnel, il avait fait de la lutte olympique en France. Il savait très bien ce qu’il faisait. Je l’admire beaucoup pour ça. Ce n’était pas juste la bête de foire d’un cirque, c’était un vrai luchador. Il savait faire des prises, il savait comment les porter sur nous et il avait beaucoup de professionnalisme et beaucoup de respect pour le public.

Parlait-il bien espagnol ? 

À peu près. Il comprenait, on se comprenait. Et il avait surtout appris des insultes. Moi je répondais que « oui, oui » (rires) ! Mais je n’osais pas trop lui parler. Je commençais tout juste et lui était déjà une superstar mondiale. Vraiment, je le respectais beaucoup.

Comment as-tu réagis à sa mort ?

C’était triste. Et j’étais encore plus triste quand j’ai vu en une du journal : « André le Géant est décédé dans sa chambre d’hôtel, seul ». Je me suis dis : « Mon Dieu, si quelqu’un comme lui, connu, aimé, finit seul, comment va-t-on finir nous ? » Il était seul, aucun membre de sa famille n’était avec lui. Sa mort a été une tragédie au Mexique, il était en une de tous les journaux.

Et maintenant, qui va succéder à André le Géant ?

Personne. Personne ne peut atteindre son niveau. Il y a eu d’autres géants bien sûr, mais ils n’auront jamais son charisme et sa prestance. Ils ne seront jamais autant aimés.

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