Décryptage

Juice Robinson : De la lumière à l’ombre

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Juice Robinson est passé du côté heel de l’histoire en rejoignant le Bullet Club, après un parcours de babyface semé d’obstacles et visiblement lassant pour le catcheur.

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Alors qu’il célèbre son troisième règne de champion IWGP des États-Unis acquis lors de Wrestling Dontaku 2022, Hiroshi Tanahashi est interrompu par Chase Owens. Ce dernier déclare qu’il se fiche de son titre, il est déjà comblé après avoir remporté les championnats par équipes avec Bad Luck Fale plus tôt dans la soirée. Néanmoins, un nouvel ami d’Owens est intéressé.

Apparaît dès lors un homme à la figure encagoulée et sapé comme un biker. Un crochet du gauche dans la poire de l’Ace suivi d’une prise qui ressemble à la Pulp Friction. L’homme retire sa cagoule : le catcheur le plus lumineux et chérissable de la NJPW a fini par virer à l’ombre.

Incarnant l’héroïsme à l’état pur tout en étant un personnage des plus flamboyants, la défection de Juice Robinson au sein du Bullet Club atteste un postulat depuis longtemps adopté mais toujours déchirant à énoncer : être un pure babyface dans le catch, ça ne fonctionne plus.

Une montée flamboyante

Remercié par la WWE en avril 2015 après quelques années passées à la FCW puis à NXT, où il était souvent utilisé comme faire-valoir, Robinson débarque dans les rings de la New Japan au cours de l’été 2015. Malgré sept années en tant que professionnel, le catcheur désire passer par le processus de young lion. Une décision qui surprend, mais toute fois saluée tandis que l’américain se parfait sous la tutelle de Hiroshi Tanahashi et de Kota Ibushi.

Le personnage qu’il incarne reste à peu près le même qu’il avait outre-Pacifique. C’est un mec cool, coiffé de ses locks, et portant des tenues de plus en plus extravagantes au fil du temps et qui lui valent le surnom de The Flamboyant. Un bonbon pour les foules nippones, qui peuvent enfin acclamer un étranger sans crainte que celui-ci ne finisse par rejoindre les rangs du Bullet Club. Même sa musique d’entrée le sublime et vous donne envie de vous trémousser infatigablement jusqu’au bout de la nuit.

Sa popularité grandissante, Juice Robinson incarne cet outsider qu’il est impossible de détester, et quiconque s’attaque à lui se verra couvert de huées. Le temps suit son cours, l’américain décroche notamment une occasion au titre Intercontinental de Tetsuya Naito en avril 2017, surprend Kenny Omega lors du G1 Climax 27 et parvient surtout à décrocher le titre IWGP US des mains de Jay White, avec la manière, lors de Fighting Spirit Unleashed 2018.

Un premier règne gâché par Cody Rhodes dès la première défense. Un second sera entamé, moins fort en émotions, lors de Wrestle Kingdom 13 face à un American Nightmare diminué par les blessures et surtout sur le départ pour fonder la All Elite Wrestling. Juice Robinson, c’est celui qui tombe toujours au mauvais moment. Le gentil à qui on la met toujours à l’envers. Trop bon, trop con.

Un gimmick qui s’essouffle et la faute à pas de chance

Défendant son or face à des gars comme Trent Beretta, Chase Owens ou Bad Luck Fale — le milieu de carte, en somme — un plus grand défi s’abat sur Juice Robinson. Celui-ci se nommant Jon Moxley, parti en fanfare de Stamford et faisant ses débuts à AEW Double or Nothing 2019. Le 5 juin, soir de la finale du Best of the Super Junior 26, le Flamboyant prend une raclée monumentale, au terme d’un combat certes salué (et violent) lors de la première apparition de l’ex-Dean Ambrose dans les rings de la promotion de cœur de Robinson. Ce n’est qu’une affaire de coïncidences, mais la chute de Juice s’effectue dès lors que l’AEW est arrivée sur le marché.

C’est aux côtés de David Finlay, avec qui il forme l’équipe FinJuice qu’il s’embarque dans une excursion à la ROH. À Baltimore, les deux hommes rallient Bandido, Tracy Williams et Tenille Dashwood afin de former la faction « Lifeblood ». Une bande qui souhaite rendre ses lettres de noblesse à la Ring of Honor. Une approche plutôt bancale et déjà vue, soit, mais c’est l’occasion de voir Robinson évoluer dans une partie plus sombre tout autant que délirante de son personnage. Une aventure cependant avortée en raison d’une mésentente sur les termes du contrat du catcheur.

FinJuice surprend néanmoins son monde en remportant la World Tag League 2019 face aux favoris EVIL et SANADA et duo s’emparent même des titres par équipes au dam des Guerrillas of Destiny lors de Wrestle Kingdom 14. Un coup de frais pour la carrière des deux hommes et de surcroît pour la division par équipes. Des espoirs rapidement estompés lorsque les Tongiens reprennent leur dû seulement un mois plus tard, et ce lors d’une tournée américaine non diffusée. Comme une impression de voir leurs ambitions piétinées.

Arrive ensuite la pandémie de COVID-19. Robinson est logé à la même enseigne que vous ou nous : Le voilà confiné chez lui. IL réapparaît lors du G1 Climax 30 puis au programme hebdomadaire STRONG, le catcheur se fait néanmoins discret et reste dans le milieu de carte alors qu’il peut prétendre à davantage sur le sol américain. Le voilà, d’ailleurs, à IMPACT au cours de l’année 2021, y remportant les titres par équipes avec David Finlay. Il dit se sentir à l’aise dans l’Impact Zone, mais on sent malgré tout que la magie du Moonchild n’opère plus, il n’y a plus ce frisson de panache lorsqu’il débarque au ring.

Ne serait-ce peut-être Juice Robinson lui-même qui s’est lassé d’être ce babyface ? Quand on regarde de plus près, des gars comme Adam Page, John Cena ou Hiroshi Tanahashi sont des héros incontestés. Néanmoins, ces derniers ont chacun quelque chose qui ne fait pas d’eux ces parfaits pourfendeurs des vils personnages. Page est un gars en perpétuelle crise existentielle tandis que Cena ou Tanahashi possèdent ce petit côté filou, ce trait de personnalité qui leur permet de se sortir de certaines situations potaches. Tanahashi peut aussi être ce mec prétentieux, ses apparitions à la DDT en 2014-2015 où il affirmait clairement son mépris envers la promotion de Sanshiro Takagi et ses talents parlent pour lui.

On pourrait même citer Hulk Hogan. Lorsqu’on grandit et qu’on se poche avec un œil plus aguerri, le Hulkster était véritablement un tricheur de la pire espèce et ne manquait pas d’insulter ses adversaires. L’héroïsme à l’américaine.

Comme une odeur de tabac froid

Au cours du mois d’avril, Juice Robinson déclare au micro du journaliste Brian Alvarez qu’il ne souhaite pas signer de nouvelle entente avec la NJPW. Passé le 30 avril, il est libre comme l’air. Il cite, en outre, qu’il n’a plus l’envie de catcher, et attend patiemment que la flamme revienne.

À une époque dans laquelle tout se sait rapidement et dans laquelle il est difficile de créer de la surprise dans le monde du catch, Robinson surprend tout le monde en apparaissant pour la première fois en plus d’un an sur le ring nippon de la New Japan. Surtout lorsqu’il s’agit de passer de la lumière à l’ombre en s’attaquant à une figure telle que Hiroshi Tanahashi.

L’histoire était toute tracée : Une foule trahie par l’un de ses chouchous tandis que Tanahashi souhaite comprendre les actes de son protégé. Cependant, Juice Robinson est une nouvelle fois doublé par des noms qu’on juge plus connus que lui : Will Ospreay et Jon Moxley. Les quatre hommes s’affronteront pour le titre des États-Unis lors de Capital Collision à Washington D.C ce samedi. Le premier devait affronter l’Ace pour le titre vacant au Fukuoka Dome tandis que le second est là pour la bagarre, et aussi pour faire acheter des tickets.

Quant à cette nouvelle attitude, on semble se diriger vers un pastiche de biker, le plus fringant de la bande qu’on croise à la table de billard d’un bar des contrées arides des États-Unis. Une évidente et totale opposition au Juice Robinson qu’on connaissait auparavant. Il s’agit davantage d’un personnage fait pour s’intégrer plus facilement dans les rangs du Bullet Club, mais il reste à voir s’il peut vraiment y ajouter quelque chose qui lui est propre.

Finalement, Juice Robinson s’est rangé dans la même catégorie incluant des noms tels que Hirooki Goto, SANADA ou Tomohiro Ishii. Les foules les adorent, ils répondent toujours présent mais il leur manque finalement quelque chose pour prétendre à davantage, ou de se voir offrir une vraie chance de prouver sa valeur véritable.

Le quatrième mur devient de plus en plus fin, être le gentil catcheur de service ne fait plus lever les foules. Chacun a sa petite particularité même si certains ont la gueule de l’emploi. Un jeune talent comme Jungle Boy est complètement choyé par les fans de l’AEW, mais dévoile sa faille en devenant colérique lorsque la situation lui échappe. Une faille qui fait la faiblesse tout autant que la force du babyface. Juice Robinson : il est gentil, il est souriant et se relève à chaque fois. Une résilience à toute épreuve, soit, mais à un moment donné, il faut s’affirmer.

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