Décryptage

NJPW : La trahison d’EVIL ou la storyline à l’américaine

evil tetsuya naito dominion

La NJPW avait besoin de frapper fort pour son retour aux affaires, et voilà qu’elle envoie EVIL dans une storyline à l’américaine.

EVIL a remporté lors de Dominion 7.12 les championnats IWGP Heavyweigtht et Intercontinental des mains de Tetsuya Naito, qu’il avait trahi la veille pour les rang de BULLET CLUB. Un coup qui en aura surpris plus d’un. La NJPW a été à l’arrêt pendant presque cinq mois suite à la crise sanitaire liée au COVID-19 et revient avec des plans des plus osés. Un pari bien risqué qui divise bon nombre de personnes et qui ne laisse de marbre personne : tel est l’intérêt de notre noble discipline.

Mettre en avant sa star montante, c’est bien mais faut savoir le faire correctement : timing, cohérence et surtout l’impact en sont les maîtres mots. Concernant EVIL, c’était sûrement le bon moment. Membre originel des Los Ingobernables de Japon depuis ses débuts en novembre 2015, le bougre tournait pas mal en rond depuis quelques années maintenant. Coincé entre les montées de SANADA et de Shingo Takagi, EVIL était relégué au second plan.

La trahison attendue

On savait tôt ou tard qu’un membre des LIJ allait trahir ses copains. Les indices nous laissaient imaginer une trahison de Takagi ou encore SANADA. Celle d’EVIL était pressentie aussi, mais certainement pas de cette manière. Rien qu’à voir la réaction de la foule japonaise lors que le King of Darkness effectue le signe Too Sweet à la place du poing tendu par Tetsuya Naito, la surprise était quasi-totale. Les mesures sanitaires actuelles interdisent aux japonais de crier mais ces derniers n’ont pas pu s’empêcher de lâcher un « OOOOOH ! » face aux agissements d’EVIL.

Rejoindre BULLET CLUB dans la foulée est tout aussi surprenant. La faction en elle-même souffre des absences de ses gaijins tels que le leader Jay White, KENTA, Tama Tonga, Bad Luck Fale ou encore El Phantasmo. Des absences dues à la crise sanitaire qui les empêche de voyager jusqu’au Japon. On se retrouve donc avec un BULLET CLUB Japan, totalement à l’encontre des valeurs originelles de la faction fondée en 2013. EVIL semble de son côté en avoir pris le contrôle en l’absence au temps indéterminée des têtes d’affiches. Va-t-on se retrouver un BC Gaijin face à un BC Japan à l’avenir ? En tout cas, la New World Order appose son seau d’approbation.

EVIL avait besoin d’un bon coup de frais sur sa carrière. Son personnage de King of Darkness commençait vraiment à être ennuyeux et même un poil gênant, à la limite du kitsch. Un nouveau personnage un peu plus réaliste et bien plus sournois qui lui permet aussi de s’exprimer d’une voix bien plus naturelle et non celle complètement enrouée d’un méchant sorti d’un vieux nanar. Un bon coup de frais sur son personnage, sa carrière mais aussi sur le paysage de la NJPW qui met à l’écart les piliers tels qu’Hiroshi Tanahashi, Kazuchika Okada, Tetsuya Naito et aussi Jay White, devenu le gaijin dominant suite au départ de Kenny Omega l’an passé.

Booking à l’américaine

On en vient au point qui a déchaîné les passions : le match entre EVIL et Tetsuya Naito, un affrontement qui laisse perplexe. Sans être un des meilleurs matchs que la New Japan Pro-Wrestling ait pu produire de son histoire, il est loin d’être mauvais. Il est spécial.

Notre cher ami Gedo, booker en chef de la New Japan, s’est laissé envouter par des vapeurs de catch américain qui laissent donc un contraste assez marquant avec la philosophie nippone. On nous met The Rock, Steve Austin, The Undertaker et Triple H en 1999 avec le même booking et vous avez une salle en délire et des téléspectateurs en furie devant leur téléviseur. Quand on est habitué et qu’on aime par dessus tout les codes du puroresu, il est possible d’avoir une certaine envie d’étrangler Gedo après ce Tetsuya Naito contre EVIL. Cette confrontation entre les deux hommes, comme celle d’EVIL face à Kazuchika Okada la veille, n’était clairement pas axée sur la technique. C’était du booking à l’américaine, à la limite de l’overbooking avec les nombreuses interventions.

La seule chose assez déroutante serait certainement la longueur du combat : trente-huit minutes pour un tel affrontement c’était bien trop long. Une alternance entre bagarre, action à l’extérieur du ring, interventions, ces presque quarante minutes ont été franchement longues. Le match aurait pu être amputé de dix voire quinze minutes sans problème. La New Japan s’américanise, à ses risques et périls.

Une recette universelle et intemporelle

On citait plus haut la bonne manière de mettre en avant une star montante — la clé de tout cela est bien évidemment de donner des victoires à la personne à qui on offre un push. C’est un petit peu la base du catch. Plus de victoires, plus de crédibilité donc montée dans la carte et dans la chaîne alimentaire de la promotion.

EVIL s’est tout de même offert le luxe de battre Kazuchika Okada ainsi que Tetsuya Naito en deux jours consécutifs. Au niveau de la crédibilité, le gonze se met bien. Cette recette est universelle et fonctionne quand on s’y prend bien. Rien qu’en se penchent sur d’autres cas contemporain à la New Japan : Jay White. Switchblade revient en novembre 2017 d’excursion et se mesure directement à Hiroshi Tanahashi, un match qu’il perd lors de Wrestle Kingdom 12 mais les foules savent d’avance que ce gamin néo-zélandais vaut de l’or. Ce n’est qu’un mois plus tard qu’il bat à la surprise générale Kenny Omega pour son championnat IWGP des Etats-Unis. La machine est lancée et White se paiera au fil de l’année des noms tels que Kazuchika Okada, Hiroshi Tanahashi et tant d’autres.

On reste dans les ingouvernables et on prend le cas d’Hiromu Takahashi, qui revient lui aussi en trombe de son excursion au CMLL en novembre 2016 en s’attaquant directement à KUSHIDA, alors actuel champion IWGP Junior Heavyweight. Les deux hommes se rencontrent lors de Wrestle Kingdom 11 et Takahashi bat le champion lors de son premier run en solo depuis son retour au bercail. Les foules japonaises sont médusées mais conquises.

Même si EVIL ne revient pas d’une excursion, il avait clairement besoin d’un push pour prouver qu’il est vraiment aux yeux du monde. Les prises de risques, que ça soit dans le ring ou dans le booking, il y en aura toujours et bon dieu que c’est cool. Le changement est présent et s’en plaindre serait une preuve d’une bonne grosse mauvaise foi — car on connaît la logique de Gedo : quand y’a plus d’idées fraîches à mettre sur la table, c’est Kazuchika Okada qui gagne à la fin.

Avec cette storyline et ce super-push d’EVIL, la New Japan Pro-Wrestling a réussi à faire un énorme coup pour attirer les regards de fan de catch qui n’ont eu à se mettre sous la dent que la WWE, l’AEW et Impact ces derniers mois pour combler leur manque. Mais la promotion japonaise a voulu montrer qu’elle était de retour aux affaires et qu’elle n’allait pas se priver de faire les gros titres.

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