TNA : naissance, succès et ingrédients de son retour en 2024.
Décryptage

TNA : naissance, succès et ingrédients de son retour en 2024

Retour sur la naissance et les premières évolutions de la TNA, dont le retour à son premier nom en 2024 s’accompagne d’une vague de nostalgie bien accueillie par les fans.

IMPACT Wrestling

IMPACT Wrestling redeviendra Total Nonstop Action Wrestling (TNA) à partir de l’année 2024, comme l’a annoncé son président Scott D’Amore à la fin de Bound For Glory 2023, le 21 octobre dernier. Alors que la nouvelle se voit accompagnée d’un certain enthousiasme, à la fois au sein de l’univers d’IMPACT et dans les vestiaires de la promotion, revenons sur les fondements de la TNA qui, créée en 2002, apparut dans un premier temps comme l’espoir de la survie d’un modèle alternatif à la WWE au début des années 2000.

La WCW est morte : vive la TNA

Le 26 mars 2001, la World Championship Wrestling (WCW) est officiellement rachetée par la World Wrestling Federation (WWF), signant ainsi le dernier chapitre de sa défaite dans les célèbres Monday Night Wars. De nombreux catcheurs de la WCW commencent donc à performer pour la WWF, qui apparaît alors à nouveau comme la seule grosse promotion de catch et de divertissement sportif aux États-Unis, écrasant la timide concurrence des promotions indépendantes dans le pays. En effet, avec la disparition de la WCW, la WWF propose l’unique programme de catch professionnel diffusé sur les antennes de la télévision nationale américaine. Mais de nombreuses Superstars de la WCW ne rejoignent pas les rangs de la WWF à cette période, considérant, pour certaines, que l’industrie du catch américain est en danger au regard du manque de concurrence crédible pour la compagnie de Stamford. Une analyse qui ne semble en effet pas dérisoire, si nous gardons en considération l’idée que la concurrence stimule intrinsèquement la recherche, l’innovation et le progrès. D’autre part, un nombre important de talents se retrouvent sans emploi, car la WWF ne peut pas ou ne souhaite pas les engager au moment du rachat de la WCW et de la faillite de l’Extreme Championship Wrestling (ECW) en mars et avril 2001. Ainsi, en 2002, Jerry Jarrett, son fils Jeff Jarrett, et un ancien employé et producteur de la WCW Bob Ryder décident de créer une nouvelle promotion de catch aux États-Unis : la TNA. D’abord propriété de la National Wrestling Alliance (NWA) et appelée NWA TNA, la nouvelle compagnie doit réussir à se démarquer pour incarner un contre-modèle face à l’hégémonie de la WWF, qui devient la WWE en mai 2002.

Premier logo de la NWA TNA (2002-2003).

Premier logo de la NWA TNA (2002-2003).

Des débuts difficiles

Alors que Jerry Jarrett, star de la NWA Mid-America dans les années 1970 et 1980, est déjà un ancien catcheur au moment d’établir les fondements de la TNA, son fils Jeff est, lui, toujours actif sur le circuit. Ce dernier avait quitté la WWF en 1999 en mauvais termes et [re]catchait pour la WCW depuis ; or, Jeff Jarrett fait justement partie des catcheurs qui se retrouvent sans emploi à partir de mars 2001. Entre octobre 2001 et avril 2002, il catche pour la World Wrestling All-Stars (WWA), avant que la TNA n’ouvre officiellement ses portes, le 10 mai 2002.

Le premier show de la promotion se tient alors le 19 juin 2002 au Von Braun Civic Center de Huntsville, dans l’Alabama. Bob Ryder et les Jarrett décident de proposer la tenue d’un show par semaine en pay-per-view exclusivement ; une stratégie de diffusion qui se veut alternative au modèle de la WWE. La plupart de ces événements en pay-per-view se tiennent à la Tennessee State Fairground Sports Arena de Nashville, dans le Tennessee, un endroit surnommé le TNA Asylum à l’époque. Simplement, lors de ses premiers mois d’activité, la TNA ne fait pas de bénéfices. Bien que de nombreux fans regrettent la vente de la WCW, la TNA vient incarner un modèle qui diffère de celui qui concurrençait la WWF dans les années 1990. La conquête d’un nouveau public se révèle alors être un défi de taille au regard de la situation qui, pour les fans de l’époque, incite à faire le choix facile de consommer le produit conçu par la compagnie de Stamford. De plus, les fondateurs de la TNA sont confrontés à une réticence des diffuseurs et des potentiels partenaires commerciaux au sujet de la nomenclature de la promotion ; l’acronyme TNA est en effet associé à une expression provocatrice, « Tits and Ass » (« seins et fesses »), sur le territoire américain. Un choix probablement volontaire pour donner plus d’impact au produit, considérerons-nous.

Jeff and Jerry Jarrett - 2022.

Jeff (à gauche) et Jerry Jarrett (à droite) en 2022. (Memphis Classic Wrestling)

Définir la TNA : entre tensions internes et construction du roster

La question de la définition de la ligne conductrice qui vient ancrer l’identité de la nouvelle compagnie arrive rapidement sur la table. Or, deux visions s’opposent à cet égard : celle du père, Jerry Jarrett, et celle du fils, Jeff Jarrett. Lorsque le premier est attaché à l’idée de proposer un catch traditionnel, avec des vétérans du ring qui seraient alors les leaders du vestiaire, le second porte une vision qu’il considère beaucoup plus portée vers l’avenir de l’industrie. Influencé par son ami Vince Russo, Jeff Jarrett veut un roster jeune, et un contenu provocateur pour attirer un public différent et se démarquer le plus possible de la WWE. Les choix créatifs du fils Jarrett entraînent le départ de Jerry Jarrett de la compagnie à la fin de l’année 2005. Ainsi, dès 2002, plusieurs catcheurs sans emploi de renom sont embauchés, comme Jerry Lynn, ou Syxx-Pac (X-Pac), mais une grande partie du roster se voit constituée par des jeunes talents : AJ Styles, James Storm, CM Punk, Christopher Daniels, Low Ki, The Briscoes, Alexis Laree (Mickie James) ou encore Ron Killings (R-Truth) pour ne citer que les plus célèbres d’entre eux. Bien que le vestiaire initial de la TNA nous semble, avec notre regard contemporain, séduisant, ces talents n’étaient pas encore connus à l’époque, et leur notoriété était encore à construire : mission réussie lorsque nous observons, aujourd’hui, le succès qui attendait chacun d’entre eux.

Quoi qu’il en soit, lors de ses premières années d’existence, la TNA rencontre des difficultés économiques évidentes, accentuées par les désaccords internes entre les membres de la famille Jarrett. En 2004, la promotion se détache de la NWA ; en mai, le show hebdomadaire iMPACT! est créé et diffusé aux États-Unis grâce au réseau télévisé Fox Sports Net ; quelques mois plus tard, en septembre, la jeune compagnie américaine cesse de présenter des pay-per-views hebdomadaires, au regard de l’échec d’un point de vue financier que cela représentait. La TNA compte alors sur son plus gros investisseur, à savoir Panda Energy International, et sur la fidélité de la fille du CEO de l’entreprise, Dixie Carter, pour s’assurer le soutien économique d’une grosse société. Dixie Carter est en effet une fan de catch elle-même, et occupe un rôle de plus en plus important au sein de l’administration de la TNA. Elle est nommée présidente de la promotion lorsque la majorité des parts de la TNA sont vendues à Panda Energy International, en octobre 2002 ; Jeff Jarrett assure alors le rôle de vice-président.

Dixie Carter.

Dixie Carter. (IMPACT Wrestling)

Une légitimité gagnée dans le ring

Le dimanche 7 novembre 2004, la TNA présente son premier pay-per-view mensuel, sous le format plus classique que nous connaissons. Le show en question est alors appelé TNA Victory Road ; environ 10 000 places sont vendues pour un événement d’une durée avoisinant les 3 heures. Pour l’occasion, Jeff Jarrett bat Jeff Hardy dans le main event dans un Ladder Match pour conserver le championnat du monde poids lourds de la NWA. Simplement, l’entente entre la TNA et Fox Sports Net ne dure que jusqu’en mai 2005, la compagnie se retrouvant donc à nouveau sans diffuseur. Dès juillet 2005, la TNA retrouve cependant un partenaire pour diffuser ses shows : RealNetworks. Alors qu’elle doit gérer les difficultés liées à sa visibilité et à la conquête d’un public exigeant, la TNA va surtout compter sur les performances de ses stars et sur l’attraction d’un roster de plus en plus riche malgré la situation dans laquelle se trouve la promotion de Dixie Carter et Jeff Jarrett. En effet, alors qu’elle continue de mettre en valeur de nouveaux visages et les stars du futur, à l’image de Jeff Hardy, Chris Hero, Eric Young ou Matt Sydal, la TNA réussit à engager Sting en 2003, Kevin Nash et Diamond Dallas Page en 2004, ou encore Christian Cage et les Dudley Boyz en 2005.

De cette manière, la TNA, qui reste fidèle à ses ambitions de se différencier de la WWE sur le fond comme sur la forme, offre un vestiaire diversifié et complet à son public après seulement quelques années de vie. Plusieurs combats vont alors forger l’identité et la légitimité de la TNA sur le plan de la performance athlétique, à commencer par le triple menace entre Christopher Daniels (c), AJ Styles et Samoa Joe à Unbreakable 2005 pour le championnat X-Division de la TNA. The Phenomenal One remporta son 5ème titre X-Division lors de l’événement, au terme d’un combat encore considéré comme l’un des matchs les plus marquants et les plus divertissants de l’histoire de la promotion. La X-Division de la TNA est alors magnifiée par l’émergence de jeunes catcheurs poids légers et poids moyens et apparaît comme l’un des marqueurs de l’identité de la promotion américaine pendant de nombreuses années (et encore aujourd’hui selon la considération de certains fans). L’année 2005 marque le début d’une nouvelle ère pour la TNA qui, en s’appuyant sur des combats de qualité et sur son aspect volontairement « trash » pour séduire une audience en quête de nouveauté dans le catch, commence à gagner en succès et en popularité. Cette période est notamment marquée par la naissance de nouveaux pay-per-views et par la signature de plusieurs partenariats qui permettent à la compagnie de renforcer sa position d’un point de vue entrepreneurial. Alors, la confiance des investisseurs a-t-elle été exclusivement acquise grâce aux performances in-ring du roster de la TNA à cette époque ? En partie, oui, mais pas que.

TNA Unbreakable 2005.

TNA Unbreakable 2005 : Christopher Daniels (c) contre AJ Styles contre Samoa Joe. (TNA Wrestling)

TNA, plus qu’un nom : un symbole

À partir du milieu des années 2000, la TNA peut donc, enfin, se lancer pleinement dans son projet initial, c’est-à-dire celui de reprendre le flambeau d’une WCW dissoute par la puissance de la compagnie de Vincent Kennedy McMahon. Or, la force de la TNA réside justement, à cette période, dans la construction d’une identité à la fois visuelle et scénaristique qui lui est propre, entraînant alors dans un premier temps l’éclosion d’un public fidèle, puis dans un second temps l’émergence de la promotion sur le devant de la scène de l’écosystème du catch aux États-Unis. Alors que la Ring Of Honor (ROH) est également créée en 2002 et offre un nouveau visage et une nouvelle reconnaissance au catch indépendant américain, de nombreux talents sont mises en lumière à la TNA au cours de cette période et se forgent un nom grâce à leur activité au sein de la promotion. Face à une WWE qui se veut de plus en plus conventionnelle et une ROH qui veut s’adresser à un public féru de catch technique plus que de divertissement sportif, la TNA apparaît comme la compagnie rebelle au milieu de cet écosystème.

Bien que la promotion de Vince McMahon soit toujours plus populaire, notamment grâce à sa stratégie d’internationalisation et d’implantation à travers le monde permise par des accords engageant des droits de diffusion télévisée dans de nombreux pays, la concurrence que réussit progressivement à constituer la TNA à cette période est notable. Parfois comparée à celle qu’incarne la All Elite Wrestling (AEW) depuis sa création en 2019, cette concurrence incite, à cette époque, d’anciennes stars de la WWE à faire leurs débuts pour la TNA, en témoignent les exemples de Kurt Angle en 2006 ou de Booker T en 2007. C’est donc le symbole de cette rébellion qui est un des marqueurs de toute une époque à la TNA, qui connaîtra son apogée au début des années 2010, avant d’être finalement prise au piège de son propre jeu et de rencontrer à nouveau des difficultés qui lui feront regretter ses jeunes années.

La TNA de retour en 2024 : une vague de nostalgie

Ainsi, lorsque Scott D’Amore, qui travaille pour la promotion depuis 2003 et qui devient le seul président exécutif d’IMPACT Wrestling en mai 2021, annonça récemment le retour du nom TNA Wrestling, qui avait été abandonné en mars 2017, une vague de nostalgie se fit immédiatement ressentir au sein du cercle des fans. Alors que la nouvelle est en effet appréciée par l’univers d’IMPACT, elle est également vue d’un bon œil par les catcheurs et catcheuses. Serait-ce la décision qui permettra à la promotion américaine fondée il y a plus de 20 ans de retrouver sa gloire passée ? Difficile à dire aujourd’hui, mais une chose est certaine : le retour du nom TNA fait parler, et suscite un engouement qui n’avait pas été constaté depuis des années à propos de la compagnie. Par exemple, plusieurs catcheurs, de la WWE notamment, verront leur contrat prendre fin en 2024 : la TNA peut-elle, alors, apparaître comme une option envisageable pour la suite de la carrière de ces derniers ?

À lire aussi : IMPACT Wrestling annonce le main event de TNA Hard To Kill 2024

De cette manière, après une chute de popularité au milieu des années 2010 et une traversée compliquée de la période de pandémie de Covid-19, IMPACT Wrestling semble ouvrir la voie du renouvellement avec le retour de son ancien nom. Pourtant, il ne s’agit que d’une simple identité commerciale, qui trouve sa force en jouant sur cette fameuse nostalgie et sur les lointains souvenirs d’un public déçu de l’évolution de la promotion américaine ces derniers temps. La compagnie n’a jamais souffert d’un roster pauvre, mais elle a en effet peiné, ces dernières années, à offrir une production de qualité à ses fans et son audience lors de ses shows. Un manque de moyens d’autant plus perceptible au regard des événements de grande envergure organisés par la WWE et l’AEW. Alors, le retour de la TNA en 2024 offrira-t-il les clés à la promotion pour créer, comme elle a su le faire dans les années 2000, un réel impact en plein cœur du monde du catch ? Rendez-vous l’année prochaine pour connaître la réponse.

TNA : naissance, succès et ingrédients de son retour en 2024
.
En haut