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Interview

Aigle Blanc : « Le catch français s’exporte grâce aux promotions qui s’en donnent les moyens »

Aigle Blanc affrontera la légende du catch japonais Minoru Suzuki ce samedi 3 février à la BZW. Avec lui, on revient sur son incroyable année 2023.

APC

À 25 ans, il s’apprête à disputer l’un des matchs les plus importants de sa carrière. Ce samedi, du côté de la promotion franco-belge Banger Zone Wrestling, Aigle Blanc affrontera la légende du catch japonais Minoru Suzuki. Un défi de taille pour le Français, lui qui s’est forgé une réputation d’incontournable en Europe auprès de ses pairs et des fans.

C’est à l’issue d’une brillante année 2023, et d’un début d’année 2024 tonitruant, que le catcheur nous accorde une interview. Dans cet entretien, le catcheur évoque ses rencontres avec les plus grands noms de la scène indépendante, se confie sur son avenir et tire le bilan d’une carrière qui ne fait que décoller.


En 2023, tu as catché pour vingt promotions différentes et effectué plus de soixante-dix matchs. De l’AJPW à la GCW en passant par la wXw parmi tant d’autres, quel bilan tires-tu de cette année 2023 ?

C’était ma meilleure année en tant que catcheur. Un de mes rêves, depuis le début de ma carrière, était d’aller au Japon. J’ai pu le faire en 2023 et c’était incroyable. Les promotions et les noms prestigieux se sont enchaînés d’un seul coup, je ne comprenais pas trop ce qui se passait (rires). J’ai aussi eu la chance de n’avoir que des bons retours de la part des catcheurs et des promotions avec lesquels j’ai pu travailler. 2023 n’aurait pas pu mieux se passer pour moi ! J’ai été au bon endroit au bon moment et c’est ce qui m’a permis d’avoir de plus en plus d’opportunités. Dans le catch, il y a forcément une part de chance dans notre réussite. Il faut travailler dur pour la provoquer. Par exemple, si j’ai pu me rendre à l’AJPW l’été dernier, c’est parce que j’ai rencontré une arbitre qui travaille là-bas à la wXw. J’ai travaillé dur pour être à la wXw et c’est ce qui m’a permis, par la suite, de saisir cette chance quand elle s’est présentée.

Ce samedi, on aura la chance de te voir à la BZW dans un dream match face à Minoru Suzuki. Comment tu abordes cette rencontre ? Pourquoi ce match est si important pour toi ?

C’est vraiment un match très spécial pour moi. Je suis un grand fan de catch japonais même si ce n’est pas mon style de prédilection sur le ring. Ça fait quelques années que je ne regarde presque que du puroresu. Je pense que les gens ne se rendent pas compte de la légende qu’est Minoru Suzuki dans ce milieu. C’est un truc de malade. C’est le patron. Il a eu une grosse influence sur le catch japonais. Il a fait énormément de bien à l’industrie. Je n’ai pas l’habitude d’être anxieux à l’idée d’affronter un gros nom du circuit. Mais là, je dois avouer que j’ai la pression (rires). Quand tu affrontes une légende comme Minoru Suzuki, l’écart générationnel fait qu’il y a un respect naturel qui s’installe. Ce n’est pas comme quand j’affronte quelqu’un comme Mike Bailey qui a presque mon âge et où l’on a les mêmes délires. J’ai presque la même sensation que lorsque j’ai affronté Ultimo Guerrero à l’APC.

Quand tu es en face de légendes de ce calibre, tu ne peux que te sentir tout petit. Je savais depuis longtemps que plusieurs promotions françaises voulaient faire venir Minoru Suzuki. La BZW en parle depuis un certain temps. L’APC aussi. J’ai fait tout mon possible pour avoir ce match. Je n’ai pas l’habitude de faire du forcing pour affronter des gros noms, mais Minoru Suzuki est un tel symbole que je ne pouvais pas laisser passer cette opportunité.

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Minoru Suzuki contre Aigle Blanc à la Banger Zone Wrestling le 3 février 2024 (BZW)

À 25 ans, tu es déjà considéré comme le meilleur worker en France et l’un des meilleurs en Europe que ce soit par tes pairs ou par les fans. Comment tu gères mentalement les attentes liées à ta carrière par rapport à ce statut ?

Il y a toujours une pression quand j’affronte un gros nom. Les gens ont beaucoup d’attentes. Mais, pour être honnête, j’aime cette pression. J’aime le fait de devoir tout donner et de toujours devoir faire plus. Si tu veux réussir dans le catch, tu es obligé d’être passionné. Le catch, c’est ma vie. Je veux faire en sorte que tout se passe bien. Bien sûr, parfois, cette pression se transforme en peur. Mais c’est ça qui m’anime et qui me fait vivre. Quand je vois des messages comme celui de Tristan (Archer), qui m’a énormément aidé au début de ma carrière, où il me transmet le flambeau, c’est clair que ça me motive. Tu comprends que tu ne travailles pas dans le vide et que tes efforts payent.

On t’avait suivi à l’époque lors de ton passage au CMLL et ta formation en lucha libre. Avec le recul, à quel point cette formation a été fondamentale dans ton évolution ?

C’est l’un des premiers moments où je me suis dit que ça pouvait marcher. Je suis passé d’un stade où je voyais le catch comme une passion à envisager que ça en devienne ma vie. Dans ma tête, je me disais que si je me donnais les moyens de réussir, j’allais peut-être y arriver. Tout le monde n’a pas la chance, à 19 ans, de pouvoir travailler pour la plus grosse promotion mexicaine sur un show télévisé. Là encore, j’étais au bon endroit au bon moment. Je n’aurais pas pu y arriver sans l’entente entre l’APC et le CMLL.

« Mustafa Ali était ravi du match et on a eu de très bons retours »

Tu as entamé l’année 2024 avec brio du côté de l’APC justement, en étant le premier adversaire de Mustafa Ali sur le circuit indie. Peux-tu nous partager ton ressenti sur ce match et sur ta rencontre avec lui ?

Sans vouloir paraître prétentieux, vu que j’ai l’habitude de fréquenter des gros noms de la scène indie, j’ai tout de suite été à l’aise avec lui. Il a été super sympa et m’a également mis à l’aise. On s’est très bien entendu. Il écoutait mes idées pour construire le match. C’est quelqu’un de très attentif et à l’écoute. J’étais anxieux à l’idée d’être son premier match post-WWE. Ça rajoute une pression supplémentaire. On n’a pas juste partagé un match. On a vraiment fait connaissance en dehors du ring aussi. Je n’avais jamais vu une ambiance pareille au Studio Jenny. Le public m’a vraiment boosté, j’avais l’adrénaline à bloc. Mustafa Ali était ravi du match et on a eu de très bons retours. Il ne me connaissait pas du tout avant de venir. Il a été agréablement surpris. Grâce à sa venue, j’ai pu gagner en exposition.

Son discours d’après-match m’a également mis en lumière. À la base, je n’étais même pas au courant qu’il avait fait un discours. Je n’ai rien entendu (rires). C’est CJ West (catcheur irlandais, ndlr) qui m’en a parlé après le show. Je n’en revenais pas. Il n’y a pas meilleur compliment que d’être comparé à tes idoles d’enfance. Surtout lorsque ça vient de quelqu’un qui a eu la chance de les affronter.

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Aigle Blanc face à Mustafa Ali à APC 20th Anniversary (APC)

On a également pu te voir cette année du côté de la wXw dans un match en cage contre Joseph Fenech Jr. Comment décrirais-tu ton alchimie avec lui que ce soit en tant que partenaire ou en tant qu’adversaire ?

Je le connais depuis longtemps, quasiment depuis ses débuts. Quand on a commencé notre carrière, on avait le même style de catch. Aujourd’hui, plus du tout. On a vraiment évolué chacun de notre côté. À l’époque, avec Petit Ange également, on était souvent comparé parce qu’on était les seuls catcheurs masqués. Senza et moi, on s’est rapproché grâce notre vision du catch. On aimait ce qui se faisait ailleurs. On voulait ramener ce côté plus « indie » que n’avait pas le catch en France. Ici, c’était assez traditionnel. Senza et moi, on souhaitait montrer un catch avec plus de spots. Des catcheurs comme Christianium ou Thiago (Montero) avaient cette même envie. On s’est tous retrouvé là-dessus. On a toujours été complice. Dans le catch, l’alchimie, ça ne s’apprend pas. Soit tu l’as, soit tu ne l’as pas. On a eu beaucoup de chance de pouvoir travailler à la wXw. Avec leur calendrier chargé, on était presque toutes les deux semaines en équipe. Faire la route ensemble et travailler régulièrement en équipe, ça nous a vraiment aidés. Tous les deux, on a du mal à réaliser qu’on a eu la chance de faire le main event de leur premier pay-per-view de l’année. C’est assez dingue pour deux Français d’avoir cette opportunité.

La semaine dernière, on a pu te voir du côté de la RIXE contre Jordan Oliver, dans un match où les titres RIXE et JCW étaient en jeu. Tu partages un parcours similaire à celui de Jordan Oliver, qui est lui aussi considéré comme l’un des meilleurs catcheurs indépendants de sa génération. Qu’est-ce que tu retiens de cette expérience ?

Lui et moi, on se connaît depuis plusieurs mois. Je l’ai rencontré au show de la BZW en juin dernier. On s’était bien entendu ce jour-là. Chacun aimait le travail de l’autre et on avait vraiment envie de pouvoir un jour partager le ring ensemble. On s’était revu au show GCW vs. The World en septembre et il était ravi pour moi que je puisse bosser pour la Game Changer. J’ai su qu’il avait insisté, en interne, pour m’affronter lors de son passage en France. Il m’a même confié en privé que notre match était l’un de ceux qu’il attendait le plus de sa tournée européenne. Entre nous, on savait que ça allait marcher. On a une très bonne alchimie. Lui et moi, on se complète l’un et l’autre de par notre progression similaire. On est tous les deux très satisfaits du match. Après le combat, il m’a encouragé à continuer et il souhaite me voir aux États-Unis. J’espère l’affronter à nouveau très bientôt !

En parlant des États-Unis, est-ce qu’on aura la chance de te voir à la GCW ou ailleurs durant la WrestleMania Week ?

Je ne sais pas encore à 100%. Ils ne savent pas encore comment ils vont organiser leur carte. Ils ont pas mal de choix et encore du temps pour la préparer. Je suis en contact avec plusieurs personnes de la Game Changer. Ils m’ont dit que ça devrait le faire. Je n’ai rien d’officiel à annoncer malheureusement. J’espère faire le déplacement à Philadelphie. C’est en bonne voie.

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« J’aimerais pouvoir retravailler avec la GCW et retourner au Japon »

En 2024, on peut également espérer le lancement de NXT Europe. Qu’est-ce que tu attends de ce projet ? As-tu déjà eu des discussions avec des personnes de chez WWE en rapport à cela ?

Je n’ai jamais eu de contact direct avec la WWE. J’ai seulement eu un retour de la part de William Regal sur un de mes matchs contre Tristan Archer. Il nous a félicités pour notre travail. Sans Tristan, je n’aurais pas eu ce retour. Depuis son passage à la WWE, ça lui arrive d’envoyer des matchs de temps en temps. Dans le vestiaire, personne n’a d’informations sur NXT Europe. Personne n’a été contacté. Bien sûr, on espère que ça viendra. À la wXw, on est comme une famille. On sait pertinemment que si le projet voit le jour, une bonne partie des catcheurs sera contactée. On espère que chacun puisse réussir. Entre nous, on pense qu’on aura peut-être un tryout à l’occasion de WWE Backlash en avril. C’est le cas en Angleterre quand ils enchaînent SmackDown et un pay-per-view. Ils prennent des catcheurs anglais pour des dark matchs. On croise les doigts pour qu’ils le fassent à Lyon. Si c’est le cas et que je suis dans le lot, tant mieux. Jamais je ne refuserais une opportunité pareille. Pour autant, je n’attends pas spécialement que ça arrive, surtout à ce stade de ma carrière. À l’heure actuelle, j’aimerais pouvoir retravailler avec la GCW et retourner au Japon.

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Aigle Blanc contre Hari Singh à APC Homecoming II (APC)

Depuis tes débuts sur la scène française en 2014, la popularité du catch n’a cessé de croître dans l’Hexagone. Comment décrirais-tu l’évolution de la scène française sur cette dernière décennie ?

C’est en train d’exploser. La preuve en est puisque la WWE organise un pay-per-view en France. C’est fou. Pour ce qui est du catch français, le niveau a vraiment augmenté. De la qualité des matchs, aux moyens déployés jusqu’aux fans eux-mêmes, tout évolue. Le catch français s’exporte petit à petit grâce aux promotions qui s’en donnent les moyens. Je pense notamment à l’APC, la RIXE et la Banger Zone Wrestling. C’est les trois promotions les plus professionnelles. Grâce à ces promotions-là, le catch français va gagner en popularité. Certains évènements extérieurs nous ont également aidés, comme le Z Event. J’ai eu de nombreux retours de personnes qui ne savaient même pas que le catch français existait. Aujourd’hui, ce qui manque au catch français, c’est la visibilité. Il faudrait plus d’informations en lien avec le catch en France. Avec ça, on pourrait vraiment tout exploser !

Merci beaucoup pour cet entretien Aigle. Pour conclure, qu’est-ce qu’on peut te souhaiter pour 2024 ?

Beaucoup de dates aux États-Unis pour la Wrestlemania Week ! Ces dates me permettraient de me démarquer encore plus. Un retour au Japon aussi ! Ma première expérience s’est très bien passée. J’aimerais beaucoup y retourner pour faire des matchs plus longs et en un contre un. J’ai eu des discussions avec la All Japan pour un retour, ils sont intéressés. C’est en cours. Malheureusement, de leur côté, c’est difficile à gérer. Tout ce que je souhaite, c’est de ne pas régresser par rapport à l’année dernière. Je veux faire mieux qu’en 2023 !

Aigle Blanc : « Le catch français s’exporte grâce aux promotions qui s’en donnent les moyens »
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